Billet

#Hydrogène – 3 questions à… Luc Bodineau

Tous les mois, un expert de l’ADEME décrypte un enjeu clé pour le climat. Ce mois-ci, Luc Bodineau, ingénieur spécialisé dans l’hydrogène au sein du service recherche et technologies avancées, répond à 3 questions sur l’hydrogène.

Quelle est la situation actuelle pour l’hydrogène en France ? A quoi sert l’hydrogène et quelles sont les perspectives à venir ?

L’hydrogène est actuellement produit et utilisé dans l’industrie, comme « matière » dans différents secteurs : l’hydrogène est ainsi utilisé pour le raffinage des carburants, la production d’engrais, mais aussi en verrerie, dans l’industrie agro-alimentaire … En France on produit et l’on consomme chaque année environ 900 000 tonnes d’hydrogène industriel ; 60 millions de tonnes dans le monde ! Cet hydrogène est très largement fabriqué à partir de ressources fossiles (gaz naturel, pétrole). L’enjeu est ici de réduire l’impact environnemental lié à cet hydrogène industriel.

Au-delà de ces usages traditionnels « matière », on distingue l’hydrogène comme vecteur énergétique innovant, qui est amené à se développer dans le cadre de la transition énergétique et du déploiement des énergies renouvelables électriques (éolien, solaire, hydraulique). Dans ce cas, l’hydrogène est produit localement à partir d’eau et d’électricité, et se présente comme l’un des moyens à disposition pour stocker le productible électrique pour le réutiliser ensuite à la demande via une pile à hydrogène.

Qu’est-ce-que le « power to gas » ?

Littéralement, il s’agit de convertir une puissance électrique en un gaz, en s’appuyant sur le procédé d’électrolyse. C’est la fameuse expérience de chimie dont certains peuvent se souvenir : l’application d’un potentiel électrique de part et d’autres d’un électrolyte s’accompagne d’une décomposition de la molécule d’eau (H2O), migration d’ions (H+) et dégagement d’hydrogène et d’oxygène. Le rendement énergétique de ce procédé est aujourd’hui de l’ordre de 70%, il pourra atteindre plus de 80% à l’avenir.

Ce procédé permet ainsi de convertir l’énergie électrique en énergie chimique (le gaz dihydrogène), que l’on peut stocker, transporter, etc. En particulier, cela permettra de connecter les réseaux électriques et gaziers sur nos territoires : lors de phases d’excédents électriques (éolien, solaire, hydraulique), on pourra produire de l’H2 et l’injecter dans les réseaux de gaz naturel, qui constituent des réservoirs fantastiques de gaz, et existantes ! On pourra injecter directement de l’H2 ou bien le transformer en préalable en méthane (CH4), via le procédé de méthanation, qui nécessite néanmoins du CO2. C’est le cas par exemple sur un site de méthanisation, qui produit du CO2 d’origine organique.

En quoi l’hydrogène représente-t-il une opportunité pour le secteur de la mobilité ?

Tôt au tard, nous devrons nous passer d’essence et de diesel, réduire drastiquement les émissions polluantes locales et recourir aux ressources renouvelables pour nous déplacer. L’hydrogène peut y contribuer à deux titres. Tout d’abord, en développant les véhicules électriques hydrogène : véhicules légers, camions, bateaux, trains, bus … De manière complémentaire aux batteries, l’hydrogène embarqué dans un véhicule électrique permet de disposer de plus d’autonomie à l’usage. C’est utile pour des usages professionnels, par exemple pour la livraison de marchandises en ville. Le recours à cette technologie permet aussi de réguler la recharge : le plein du réservoir se fait rapidement (quelques minutes), et sans nécessiter un déploiement massif de la recharge rapide des batteries, qui est délicate pour les réseaux de distribution. D’autre part, le gaz sera aussi amené à se déployer comme carburant : pour l’instant, les véhicules sont alimentés en gaz naturel (GNV). Pour être plus durable, le biométhane et le power-to-gas permettront de remplacer ce gaz fossile par des gaz renouvelables, produits sur les territoires. L’hydrogène permet ainsi de passer des éoliennes aux véhicules thermiques au gaz !

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