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[Biomasse] 3 questions à Jérôme Mousset

Tous les mois, un expert de l’ADEME décrypte un enjeu clé pour la transition énergétique.

Ce mois-ci, Jérôme Mousset répond à 3 questions sur la biomasse.

Jerome Mousset 2
© DR

En quoi la biomasse est-elle une ressource d’avenir pour la transition énergétique ?

La biomasse, notamment le bois, est une source d’énergie très largement utilisée chez les particuliers mais aussi dans les industries et les collectivités. En France, le bois énergie est la première des énergies renouvelables avec environ 40% de part de la production. C’est aussi une source d’énergie d’avenir dont les modes d’utilisation ne cessent de s’élargir et de se moderniser pour s’adapter à nos besoins et nos modes de vie. Si la biomasse permet de produire de la chaleur pour chauffer les habitations ou alimenter les besoins des industriels, elle est aussi utilisée pour produire de l’électricité, des carburants et fabriquer de très nombreux produits plus économes en énergie. Les ressources disponibles sont diverses : forêt, haies, résidus et coproduits agricoles, cultures énergétiques, déchets organiques, effluents d’élevage valorisables en énergie par la méthanisation (production de biogaz). C’est l’ensemble de ces ressources et leurs modes d’utilisation qu’il est important de développer pour mettre en œuvre la transition énergétique et réduire notre dépendance aux ressources fossiles.

Les analyses prospectives montrent toutes le rôle important et croissant de la biomasse dans la transition énergétique. Ainsi, dans les scénarios de l’ADEME, elle pourrait fournir à elle seule en 2050 40% de l’ensemble de l’énergie consommée en France. Elle deviendrait un enjeu stratégique pour l’énergie de notre pays. Dès l’horizon 2020, plus de 50 % des objectifs des énergies renouvelables reposent sur la biomasse. Par ailleurs, le développement des filières biomasse dans leur diversité constitue un enjeu économique et de création d’emplois important, notamment dans les zones rurales pour la production, la collecte et la valorisation de cette ressource.

La forêt française est-elle capable de supporter un prélèvement plus important ?

 

Parmi les ressources disponibles en biomasse, la forêt constitue le principal gisement accessible. La France possède le 4ème massif forestier d’Europe en surface. Pour que cette ressource reste renouvelable et durable, il est primordial de s’assurer du maintien de l’équilibre des écosystèmes forestiers. Or, en France, le niveau de prélèvement de bois est assez faible (environ 50% de l’accroissement biologique annuel). L’étude réalisée avec l’IGN et FCBA confirme que la forêt française peut supporter une augmentation significative des prélèvements d’environ +20 Mm3/an d’ici 2035, tout en préservant la qualité des milieux et en tenant compte des zones écologiquement fragiles (Le niveau de prélèvement actuel étant de 66 millions de m3/an). Ces projections tiennent également compte de la préservation des sols forestiers, souvent plus fragiles. Des guides techniques permettent de définir des règles de prélèvement des menus bois sur les parcelles en fonction de la qualité des sols. La mobilisation supplémentaire de la biomasse forestière nécessite une dynamisation des modes de gestion sylvicoles en particulier chez les propriétaires privés. Les parcelles de petites tailles des propriétaires privés représentent ¾ de la surface forestière en France et concernent plus de 3 millions de personnes. Elles sont souvent faiblement valorisées, voire non gérées. La mise en gestion de ces parcelles forestières est un enjeu important pour l’ensemble des filières bois et constitue un intérêt économique pour les propriétaires, tout en préservant la valeur de ce patrimoine.

 

Dans quelle mesure la forêt et la filière bois sont-elles une réponse aux défis du changement climatique ?

 

La forêt et les filières bois font en effet partie des réponses importantes face au défi climatique. Le secteur de la forêt, comme celui de l’agriculture, a la capacité de capter le carbone de l’atmosphère par la photosynthèse et de le stocker naturellement, pour moitié dans le bois et pour moitié dans le sol. A titre d’exemple, un ha de forêt en France stocke de l’ordre de 160 tonnes de carbone. La forêt, étant jeune et en expansion, continue à augmenter son stock générant un puits de carbone important pour la France de 59 Mt CO2* l’équivalent d’environ 12% des émissions totales annuelles de CO2 du pays (hors secteur UTCATF**). Par ailleurs, les usages du bois permettent de contribuer à la lutte contre le changement climatique, selon deux principes : une prolongation du stockage du carbone dans les produits par exemple dans le bois d’œuvre ; une substitution de l’usage des ressources pétrolières avec, par exemple, le bois énergie. La contribution du secteur forestier au défi climatique est donc à appréhender dans le cadre d’approches globales. Ainsi, une augmentation des prélèvements pourrait diminuer le rythme de séquestration de carbone en forêt ; cet effet serait cependant compensé par la suite par les bénéfices des différents usages du bois. Enfin, rappelons que si une dynamisation de la gestion forestière permet d’augmenter la ressource disponible pour les différents usages, elle constitue aussi un moyen de faciliter l’adaptation au changement climatique en favorisant un renouvellement plus rapide des arbres et une adaptation des essences à l’évolution du climat.

 

* Rapport national d’inventaire pour la France au titre de la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques et du protocole de Kyoto, 2014, CITEPA

** Utilisation des Terres, Changements d’Affectation des Terres et Foresterie.

 

Jérôme Mousset, chef du service Agriculture et Forêt à la Direction Productions et Energies Durables de l’ADEME.

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