Chaque français produit en moyenne 277 kg d’ordures ménagères par an. L’ADEME a suivi 12 foyers ayant un niveau réduit de consommation de ressources et de production de déchets tout en ayant un haut niveau de bien-être et de qualité de vie. Par l’analyse de leurs pratiques et de leurs témoignages, l’Agence présente des exemples inspirants qui tendent à « tordre le cou » aux idées reçues : l’engagement dans une démarche « zéro déchet » n’est ni impossible, ni réservée à un certain mode de vie ou à des acteurs foncièrement militants et elle n’est pas incompatible avec un haut niveau de bien-être et de qualité de vie.
Qu’est-ce qu’une démarche « zéro déchet » ?
On parle de « zéro déchet » lorsque les individus s’engagent dans une démarche visant à prévenir au maximum la production de déchets. Ces pratiques tendent vers un minimum de déchets mais ne peuvent littéralement pas atteindre le « zéro ». L’enquête concerne des pratiques individuelles comme acheter en vrac et sans emballage, composter, se passer des objets ou produits à usage unique ou inutiles ou encore remplacer certains produits cosmétiques ou ménagers par des produits simples, à usages multiples (bicarbonate de soude, vinaigre blanc, huiles, huiles essentielles…).
Le changement de comportement des ménages continue de se confronter à l’idée que consommer moins ou différemment serait une contrainte, une perte de confort ou de qualité de vie, et donc de bien-être. Pourtant, depuis plusieurs années, la recherche de nouveaux indicateurs de richesse insiste sur le fait que la consommation et la croissance économique ne contribuent pas seules au bien-être d’une société, qui dépend de nombreux autres facteurs sociaux ou environnementaux par exemple.
L’indice trimestriel du bonheur des français (ITBF)
Les notions de qualité de vie, bien-être, bonheur, satisfaction de la vie sont de plus en plus utilisés dans le domaine scientifique. L’indice trimestriel du bonheur des français (ITBF) utilisé dans cette enquête a été créé par la Fabrique Spinoza (association dont la mission est de redonner au bonheur sa place au cœur de la société). Dans ce cadre, le bonheur n’est pas considéré uniquement comme une émotion positive comparable à la joie ou d’autres émotions, mais comme l’équivalent du « bien-être subjectif », comprenant les réactions émotionnelles à un évènement et les jugements de satisfaction et d’épanouissement. L’ITBF, exprimé sur 10, est un indice organisé autour de trois dimensions : le bonheur exprimé, l’environnement perçu, le fonctionnement de l’individu. Cet indice est constitué de 47 questions, dont une, sur le niveau de satisfaction de sa vie[1], est aussi utilisée par l’INSEE et par le Gouvernement et permet donc une comparaison supplémentaire avec les moyennes françaises.
Pour en savoir plus : http://fabriquespinoza.fr/itbf-la-fabrique-spinoza-lance-lindicateur-trimestriel-du-bonheur-des-francais/
[1] Question dite « échelle de Cantrill » permettant de noter sa qualité de vie sur une échelle de 1 à 10. Cet indicateur fait désormais partie des 10 indicateurs de richesse rendus obligatoires par la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 présentée au Parlement. Pour plus d’information, voir le rapport de l’étude
Plusieurs points d’attention sont à retenir : avec 12 foyers, l’enquête n’a pas vocation à être représentative d’une population. Elle vise à mettre en avant des foyers ayant à la fois une démarche avancée « zéro déchet » et un haut niveau de bien-être, afin de comprendre comment ces deux aspects peuvent cohabiter, sans chercher à démontrer une relation de cause à effet. Egalement, le suivi s’est fait sur 1 mois, avec une extrapolation sur l’année, ce qui implique un biais saisonnier. Enfin, l’enquête ne vise pas à être un catalogue de « bonnes pratiques » à suivre. Les pratiques de chaque foyer résultent de leurs choix de vie. Ils servent d’illustration et peuvent inspirer. L’ADEME et d’autres organismes spécialisés produisent des guides permettant d’aider aux évolutions de pratiques correspondant à chacun.
Méthodologie de l’enquête
Dans le cadre de l’enquête, les déchets pesés et observés sont les ordures ménagères, c’est- à-dire à la fois les déchets triés et collectés sélectivement (ceux destinés au recyclage) et les déchets collectés en mélange (les poubelles ordinaires, appelées ordures résiduelles). L’enquête s’est déroulée en deux grandes phases :
- Sélection des foyers : plus de 750 personnes ont candidaté. Le comité de pilotage a alors retenu 12 foyers représentant la plus grande diversité socio-économique Cette sélection a ciblé un certain type de foyers ayant un niveau réduit de consommation de ressources et de production de déchets (de 1.5 à 13 fois moins et en moyenne 67 kg/hab/an) tout en ayant un haut niveau de bien-être et de qualité de vie (7.9/10 contre une moyenne nationale évaluée à 6.04/10) mais ayant un mode de vie relativement « conventionnel ».
- Suivi des pratiques : ces 12 foyers s’engageaient alors à peser durant 1 mois l’ensemble de leurs déchets et à accueillir à 3 reprises les enquêteurs pour des entretiens et observations sur leurs pratiques en matière de consommation, de déchets, mais également leurs habitudes de vie, loisirs, etc. Ils s’engageaient également à faire passer 2 fois à tous les adultes du foyer le questionnaire de l’ITBF.
Comment se lance-t-on dans une démarche « zéro déchet » ?
C’est souvent une prise de conscience qui pousse à entrer dans la démarche (un documentaire, un voyage…) ou lors d’un moment de vie particulier (reconversion professionnelle, déménagement, naissance d’un enfant…). Les portes d’entrée vers le « zéro déchet » sont diverses. On distingue trois grandes motivations qui se complètent les unes aux autres :
- L’écologie et l’environnement : diminution des impacts négatifs de son mode de vie, recherche de durabilité (transports doux, vêtements « éthiques », alimentation durable…).
- Le bien-être et la santé : des produits sains pour son corps et encore plus pour ses enfants, des aliments de qualité, moins « industriels », sans produits toxiques, souvent bio, sans plastique.
- Une recherche d’indépendance et de sobriété: apprendre à faire soi-même, pour se libérer d’une dépendance à un système de production que l’on juge inapproprié et d’une illusion de bonheur par la consommation.
Vivre heureux en « zéro déchet » : tordre le cou aux idées reçues ?
- Le « zéro déchet » concerne des gens très différents les uns des autres
Il n’existe pas de « modèle unique » pour la démarche, c’est pourquoi une grande diversité de profils peut s’y retrouver. Les motivations sont diverses, mais, pour ces foyers, il ne s’agit pas de se couper du monde par des actions extrêmes ou stigmatisantes.
« Nous ne sommes pas exceptionnels », « On est une famille normale »
- Le « zéro déchet », ça peut être facile et ludique
Le « zéro déchet » est une orientation sur laquelle chacun va à son rythme. Cela peut être un défi ludique et rapidement efficace.
« Le zéro déchet est comme un jeu vidéo. Plus tu avances dans les niveaux et plus c’est difficile mais en même temps tu es de mieux en mieux préparé ».
- Le « zéro déchet », c’est troquer des temps de corvées contre des temps de plaisir
Les activités liées au « zéro déchet » sont parfois très rapides, seulement « un coup à prendre ». Faire soi-même ou faire ensemble – cuisine, courses, fabrication – n’est pas du temps perdu dès lors qu’il s’agit de moments de plaisir, d’apprentissage ou de convivialité, et simplifier son mode de vie peut même faire gagner du temps.
« Chercher à ne pas s’encombrer, c’est également moins de ménage et de rangement à faire ! »
- Le « zéro déchet », ça ne coûte pas plus cher
Certaines pratiques peuvent générer des surcoûts, mais ils sont compensés par d’autres sources d’économies financières (par exemple, le passage au bio est compensé par la réduction du gaspillage alimentaire). Les budgets s’équilibrent globalement pour les foyers témoins, et certains font des économies substantielles, comme Carole et Julien qui ont économisé jusqu’à 100€ par mois avec une famille de deux enfants !
« On nous a dit d’acheter en vrac, hop on va acheter en vrac et puis finalement ça nous coûte beaucoup plus cher […] Donc on a fait ces erreurs-là de comparer ce qui n’est pas comparable. […] Finalement au bout d’un an ça nous a coûté moins cher, […] ce n’est pas juste produit par produit qu’il faut regarder, mais c’est dans la globalité »
- Pour certains, le « zéro déchet » peut être source de liberté et d’épanouissement
En devenant davantage « acteurs » de leur consommation et de leur vie, certains foyers étudiés se sont ouverts à des questionnements plus larges sur ce qui les rend heureux.
« La démarche m’a permis de développer toute une partie de moi que j’avais refermée, avec la vie parisienne et le boulot »