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Le Grand débat national offre l’occasion de réfléchir à la manière de faire évoluer la fiscalité environnementale pour la rendre plus juste et efficace. Penchons-nous sur la taxe carbone.
La transition écologique doit être accompagnée
Réduire la consommation des énergies fossiles est indispensable pour limiter le changement climatique, réduire la dépendance énergétique de la France et préserver le pouvoir d’achat des Français, en les protégeant contre les hausses de prix.
La fiscalité environnementale est intéressante à plus d’un titre : elle rend les produits polluants plus chers et donc moins attractifs et peut permettre, grâce à ses recettes, de financer des politiques publiques dédiées à la transition écologique. Par exemple, les redevances perçues par les agences de l’eau sont affectées aux politiques de gestion des ressources en eau et à l’amélioration de leur état écologique et sanitaire. Elle peut permettre également, grâce aux recettes qu’elle génère, de baisser d’autres impôts et charges sur les ménages et les entreprises, et de favoriser ainsi l’activité économique et l’emploi.
La taxe carbone est donc un moyen pour faire changer les comportements en donnant un signal, dans la durée, sur le prix des énergies fossiles, principales responsables du changement climatique.
Mais pour qu’elle soit efficace, il faut que les citoyens, les entreprises aient effectivement les moyens de changer leur mode de vie/d’action pour économiser l’énergie et passer aux énergies renouvelables : isoler les bâtiments, se chauffer aux énergies renouvelables, utiliser les transports en commun, acheter un véhicule moins polluant… ces services doivent donc être développés, et une partie des recettes de la taxe carbone peut y contribuer.
Pour que la taxe carbone soit juste, il faut également que ceux qui en ont le plus besoin ne voient pas leur niveau de vie dégradé par l’augmentation des prix, et surtout qu’ils puissent être accompagnés pour abandonner les énergies fossiles. Pour cela des dispositifs d’accompagnement doivent être mis en place (chèque énergie, prime à la conversion des véhicules…).
Le coût de l’inaction coûtera plus cher que la transition énergétique
Aujourd’hui, le prix des énergies fossiles ne tient pas compte des coûts liés aux impacts de la pollution sur la santé, aux coûts des catastrophes climatiques, aux coûts pour adapter les territoires au dérèglement du climat… Ces coûts ne sont pas pris en charge par les pollueurs, mais par la société dans son ensemble (par exemple, la sécurité sociale, les assurances individuelles, l’intervention de l’État dans les cas de catastrophes naturelles…)
La taxe carbone, un outil incontournable de la fiscalité écologique, mais qui doit évoluer
Il serait intéressant que la taxe carbone soutienne davantage les politiques de transition énergétique. À ce jour, moins d’un quart de la taxe est attribué aux mesures de transition énergétique.
De plus, de nombreuses exonérations ont été décidées pour certains secteurs d’entreprises (transport routier de marchandises de plus de 7,5 tonnes et de voyageurs, exploitants agricoles [gazole pour les engins agricoles et la pêche], transport aérien, maritime et fluvial, taxis…) et industries exposées à la concurrence internationale. Ces exonérations sont justifiées par des raisons économiques : soutenir des filières, préserver la compétitivité des entreprises. Cependant ces exonérations posent un problème d’équité des efforts demandés au regard des pollutions engendrées par ces secteurs.
À titre d’exemple, des questions se posent sur l’exonération du kérosène alors que l’avion émet jusqu’à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre parcouru et par personne transportée. Or, le secteur aérien représente environ 3,5 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. Pour les vols internationaux, une taxe supplémentaire ajoutée à celles déjà en vigueur peut poser des problèmes de compétitivité des compagnies aériennes française face à leurs concurrents, et ne peut donc être mise en place que dans un cadre concerté au niveau international. Mais pour les vols intérieurs, la taxe carbone peut être un moyen de renchérir l’avion par rapport au train, en cohérence avec son niveau de pollution.
Il est important de mettre en place des systèmes, adaptés pour chaque secteur permettant de taxer progressivement les produits les plus polluants. L’imposition de ces entreprises à la taxe carbone pourrait être accompagnée de dispositifs incitatifs leur permettant de changer de technologie (passage au GNV, à l’hydrogène ou à l’électrique…) et diminuer effectivement leur consommation d’énergies fossiles.