Billet

Algues #Sargasses – 3 questions à Nina Cudennec

Tous les mois, un expert de l’ADEME décrypte un enjeu pour le climat.

Ce mois-ci, Nina Cudennec, ingénieur à l’ADEME Guadeloupe répond à 3 questions sur les algues sargasses.

 

Quelles particularités présentent les algues sargasses ?

Les sargasses sont des algues brunes « pélagiques » c’est-à-dire qu’elles ne sont pas fixées au fond des océans, mais flottent à la surface de l’eau. Elles sont présentes dans l’océan Atlantique depuis très longtemps, puisque Christophe Colomb les signalait déjà dans son livre de bord. Elles constituent des « radeaux », mesurant jusqu’à plusieurs centaines de mètres, à la surface de l’océan. Depuis 2011, elles se sont développées très fortement sur l’Océan centre Atlantique, et dérivent avec les courants marins entre les côtés africaines (Ghana…) et les territoires de la Caraïbe (Antilles, Mexique, Floride…). Ces algues s’échouent massivement lorsqu’elles arrivent sur le rivage, selon une ampleur variable en fonction des années, et plutôt sur la période des deuxièmes et troisièmes trimestres.  Il faut noter qu’en mer, les radeaux de sargasses constituent des lieux de vie et de reproduction de nombreuses espèces (poissons, tortues…).

Les origines du développement massif de ces algues sont encore mal connues, mais les hypothèses s’orientent notamment vers le changement climatique, l’apport de nutriments par les grands fleuves équatoriaux, et par les particules émises par les feux de forêt en Afrique.

 

Pourquoi les algues sargasses représentent un danger pour l’environnement et les populations?

Lorsqu’elles s’échouent en masse, les sargasses se décomposent en émettant des gaz comme le sulfure d’hydrogène (H2S) ou l’ammoniac (NH3). Selon leur concentration dans l’air, ces gaz peuvent être dangereux pour la santé humaine (problèmes pulmonaires notamment) et dégrader les matériels électriques ou électroniques (notamment les circuits électriques contenus dans l’électroménager, le matériel informatique des riverains…). De plus, la décomposition d’une masse de sargasses dans un plan d’eau de faible profondeur (port, fond de baie…) consomme un grande quantité d’oxygène contenu dans l’eau, pouvant y provoquer une mortalité des organismes marins à proximité. Par ailleurs, le déplacement des navires peut être entravé par l’arrivée de grandes quantités de sargasses, perturbant le transport maritime ainsi que certaines activités nautiques comme la pêche. D’autre part, les opérations de collecte des sargasses échouées peuvent impacter négativement les plages si le matériel n’est pas adapté ou mal employé : prélèvement de sable, dégradation des plages, perturbation des sites de pontes de tortues marines…

 

Quelles solutions et démarches les acteurs comme l’ADEME mettent en place pour lutter contre ce phénomène ?

Dès 2015, les directions régionales de l’ADEME de Guadeloupe et de Martinique ont lancé des appels à projets avec les grandes collectivités de leurs territoires pour faire émerger des solutions de collecte plus efficientes et impactant moins l’environnement, ainsi que des projets de valorisation des sargasses. Depuis, l’ADEME continue d’animer l’expertise technique et scientifique qui permet d’orienter les porteurs de projets innovants et de conseiller les autorités (Etat et collectivités) sur les meilleures solutions à privilégier. Nous animons en particulier l’axe « collecte et valorisation » de l’appel à projets international de recherche « Sargassum » lancé par la Région Guadeloupe avec de multiples partenaires, et piloté par l’Agence nationale de la recherche. L’ADEME se préoccupe aussi de l’impact du stockage des sargasses collectées sur l’environnement, par des études menées avec le BRGM et le CNRS.

Du 24 au 26 octobre prochain aura lieu en Guadeloupe, à l’initiative de la Région Guadeloupe et du gouvernement français, une conférence internationale concernant les sargasses, doublée d’un salon international des technologies de gestion de la sargasse baptisé Sarg’Expo. L’ADEME apporte sa contribution aux deux évènements, en participant à leur organisation. Ce temps doit permettre à la fois de faire le point sur les avancées scientifiques et techniques, de présenter les solutions déjà opérationnelles ou en passe de l’être, et de lancer une coopération internationale à l’échelle du bassin caribéen, nécessaire pour tenter de résoudre ce problème régional, voire global.

 

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