Communiqué de Presse

Crise sanitaire : vers des modes de vie plus écologiques ?

Quelques semaines après la fin du confinement mis en place dans le cadre de l’épidémie mondiale de COVID-19, l’ADEME présente différentes études qui éclairent sur les modes de vie et les aspirations des Français suite à cette crise sanitaire et qui s’inscrivent dans le cycle « Diagnostic commun » lancé par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Elle révèle ainsi ce jour son étude « Le télétravail et les modes de vie en lien avec le confinement de 2020 » qui rend compte des impacts du télétravail sur le quotidien des Français en matière de consommation et de mobilité notamment.

Le télétravail, une pratique entérinée dans le quotidien des Français

Alors que la pratique était surtout associée aux modes de vie des urbains et périurbains et généralement non pratiquée par décisions des employeurs, l’étude de l’ADEME, réalisée par le cabinet 6T, montre que le télétravail est largement apprécié par l’ensemble des actifs français.

En effet, 71% des télétravailleurs habituels souhaiteraient en faire plus souvent car cela leur permet de mieux gérer leur stress (60%) et d’être davantage concentrés.

Du côté des primo-télétravailleurs, l’étude révèle qu’ils souhaiteraient en faire plus régulièrement et plus de la moitié plus d’une fois semaine car cela permet au contraire d’améliorer leur équilibre vie personnelle-vie professionnelle (40%), 76% d’entre eux souhaiteraient poursuivre l’expérience du télétravail en situation normale.

Le niveau de satisfaction global se révèle pourtant plus nuancé chez les nouveaux télétravailleurs (environ 40%), pour qui les relations professionnelles et l’ergonomie du lieu de travail apparaissent dégradées (près de 50%).

Avis sur la situation en télétravail par rapport au travail sur le lieu de travail
(amélioré, inchangé, dégradé)

Le télétravail permet également de réduire drastiquement les déplacements (de 69%) et les distances parcourues (39%), passant de 9km à 5,5 km grâce à la réduction des trajets pendulaires (93%) le jour de télétravail. Le télétravail offre donc un potentiel considérable de réduction de la mobilité avec des effets favorables sur la congestion et les émissions de gaz à effet de serre et polluants :

  • Le potentiel serait de 35% des actifs en télétravail, dont 18% des primo-télétravailleurs issus de la période du confinement
  • La réduction des déplacements en France serait de l’ordre 2,4% soit 3,3 millions de déplacements évités par semaine, pour un gain de l’ordre de3200 tCO2 / semaine (en ne tenant compte que des trajets pendulaires en voiture)

Au-delà de l’environnement, le télétravail est également un levier pour l’emploi : ¾ des demandeurs d’emplois ont déjà renoncé à postuler du fait des distances emploi-domicile alors que ces derniers auraient pu postuler si le télétravail était proposé. De plus, ¾ des actifs en recherche d’emploi ont des difficultés d’accès à l’emploi en raison des transports. Le télétravail pourrait donc être une solution pour la moitié d’entre eux, soit un potentiel de plus 1,5 million de personnes.

Le télétravail est aussi un moyen efficace de relocalisation des activités du quotidien autour du domicile (70% des télétravailleurs). L’ADEME invite cependant à être vigilent aux effets rebonds car la plupart des télétravailleurs réguliers résident généralement loin de leur lieu de travail :

  • 45% des Français sont prêts à choisir un lieu de résidence plus loin de leur emploi
  • Presque 1 Français sur 2 (48,2%) est prêt à choisir un emploi plus loin de son domicile
Changement dans les pratiques de mobilité grâce au télétravail après le confinement
chez les futurs télétravailleurs
(Tout à fait d’accord – Plutôt d’accord – Plutôt pas d’accord – Pas d’accord du tout)

L’intérêt pour le télétravail continue ainsi de se développer, avec 62% des Français qui estiment que le télétravail deviendra courant, du fait de l’économie du temps de transports, de la sérénité liée à l’environnement de travail et de la flexibilité des horaires, et que le confinement a modifié la relation des Français à leur travail :

  • Près d’un tiers des Français est prêt à prendre plus souvent le vélo pour se rendre au travail.
  • 2/3 des Français ne souhaitent pas prendre plus souvent les transports en commun pour aller au travail

A noter cependant que les semaines des télétravailleurs sont plus longues que celles des autres travailleurs : un télétravailleur travaille 5,47 jours par semaine contre 4,8 pour le reste des actifs.

Le télétravail offre de nouvelles opportunités aux Français

La pratique du télétravail permet particulièrement aux Français de modifier certaines pratiques.

Leur rapport à la cuisine notamment, où le gaspillage alimentaire a globalement baissé grâce à davantage de temps passé derrière les fourneaux (40% des Français interrogés y ont passé plus d’une heure quotidienne en moyenne par jour vs 26% avant le confinement), à une réorganisation pour faire les courses (66%) ainsi qu’à une cuisine qui inclue davantage les restes.

Les Français se sont également davantage portés sur le commerce en ligne pour leurs achats alimentaires durant cette période de confinement.

Le rapport au e-commerce : alors que le dernier baromètre de la FEVAD[1] indique que la période de confinement tout comme celle qui a suivie, avec le déconfinement, ont vu l’achat en ligne s’intensifier, l’étude de l’ADEME « Profils des acheteurs en e-commerce »[2], révèle que l’e-commerce répond aux attentes de flexibilité que ce soit en termes de lieu, de temps, de choix ou de prix. En effet, pour 90% des personnes interrogées, la livraison est un levier majeur du recours au e-commerce et 91% apprécient le confort d’achat depuis chez eux. Par rapport à la population française, les e-consommateurs (de produits alimentaires ou non) sont plutôt une cible pressée, qui doit jongler entre vie de famille et vie professionnelle.

A noter cependant que la gratuité et le coût bas sont les critères majeurs de choix d’un mode de livraison.

Malgré une plus grande considération environnementale et des nouvelles pratiques éco-responsables, les Français ne semblent pas toujours conscients de l’impact écologique que peu impliquer le e-commerce. Sur toute la chaîne d’achat, l’étude montre un manque de connaissance de l’impact environnemental du e-commerce : manque d’informations sur l’impact écologique du produit, les moyens de transports utilisés pour l’acheminement du colis, les emballages utilisés, le processus qui se met en branle dès le paiement effectué jusqu’à la remise du colis.

L’étude révèle par ailleurs qu’un tiers des e-consommateurs (32%) ont aujourd’hui un abonnement incluant des offres de livraison gratuite et illimitée. Si la souscription à un abonnement s’accompagne d’une augmentation des achats, on observe aussi que les gros acheteurs ont des comportements moins vertueux en termes d’environnement en recherchant la rapidité de livraison, en retournant plus fréquemment leur produit, en se faisant livrer plusieurs produits pour n’en garder qu’un seul.

Les ambitions pour un monde plus écologique toujours présentes

Malgré des idées et des positions parfois divergentes, 77% des Français, après cette période de crise sanitaire sans précédent, souhaitent que les pays du monde entier mobilisent les mêmes ressources à la lutte contre le réchauffement climatique que celles attribuées à la lutte contre la crise sanitaire (Source CREDOC[3]).

Pour Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire : « Les effets bénéfiques de la transition écologique sont multiples et cette étude le montre parfaitement. Mettre en place le télétravail, ce n’est pas seulement réduire le temps passé dans les transports et donc les émissions de CO2, c’est aussi moins de fatigue et de stress, c’est permettre un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, c’est faciliter des embauches. Individuellement comme collectivement, nous avons tout à gagner d’une transformation écologique profonde de la société ».

Pour Arnaud Leroy, Président-Directeur général de l’ADEME : « La période de confinement que nous venons de vivre a généré chez beaucoup de Français une volonté de changement de leurs modes de vie. Réduire ses déplacements, consommer local, limiter le gaspillage sont autant d’habitudes qui peuvent avoir un impact non négligeable sur notre empreinte carbone. L’enjeu est maintenant d’accompagner et soutenir ce désir de changement pour les inscrire dans la durée, en faveur de la transition écologique. »

Par ailleurs, l’Obsoco, en partenariat avec l’ADEME, a rendu dernièrement publics les résultats de son observatoire « L’épreuve du COVID-19 traversée par les Français a-t-elle modifié leurs visions du monde, leurs aspirations et leurs imaginaires ? ». Cet observatoire révèle, un an après la précédente édition, que les trois utopies privilégiées par les Français demeurent stables : 55% privilégient l’utopie écologique[4], 31% l’utopie sécuritaire et 14% l’utopie techno- libérale (pour respectivement 55%, 30% et 15% en 2019). De même, l’attraction exercée par l’utopie écologique sur les plus jeunes, déjà forte, se renforce encore : désormais, 72 % des 18-24 ans marquent leur préférence pour ce système utopique (61 % en 2019), au détriment de l’utopie sécuritaire (16 %, pour 22 % en 2019).

Le confinement semble donc avoir consolidé un socle consensuel autour du désir de nous diriger vers une société associée à une organisation de la vie économique et à des modes de vie et de consommation plus compatibles avec les défis environnementaux, reposant sur une plus grande maîtrise des relations avec l’étranger et la valorisation du local et de la proximité.

 

Pour rappel, l’Observatoire des perspectives utopiques mesure le degré d’adhésion des Français à trois modèles de société idéale, trois « systèmes utopiques ».

  • L’utopie écologique qui évoque une organisation de l’économie et de la société tendue vers l’équilibre et la sobriété. Répondant en premier lieu à l’impératif écologique, elle s’accompagne de modes de vie et de consommation que l’on pourrait résumer par la formule « moins mais mieux ».
  • L’utopie sécuritaire qui campe une société nostalgique d’un passé révolu, soucieuse de préserver son identité et sa singularité face aux influences étrangères, qu’elles viennent d’une mondialisation économique et institutionnelle ou de l’arrivée de nouvelles populations. Ici, clairement, la difficulté à se projeter dans l’avenir favorise la recherche d’idéaux dans un passé réinventé, un supposé âge d’or qui prend alors les traits d’une utopie.
  • L’utopie techno-libérale qui, s’inscrivant dans une trajectoire hypermoderne, décrit une société dans laquelle prime les valeurs individualistes et la reconnaissance des droits individuels, bénéficiant d’une croissance forte (mais génératrice d’inégalités) grâce à la vigueur d’un progrès technique allant jusqu’au augmenter l’humain, dans une perspective transhumaniste.

 

 


[1] (Mediametrie – FEVAD | Baromètre trimestriel de l’audience du e-commerce en France / enquête « e-commerce et confinement »

[2] Réalisée par Harris Interractive du 23 janvier au 4 février 2020

[3] Etude « Quelques impacts de la crise du coronavirus sur le modèle de société », Juin 2020

[4] Utopie écologique : vision de l’économie et de la société autour de l’équilibre et de la sobriété

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