Communiqué de Presse

Télétravail : accompagner les pratiques pour consolider les bénéfices environnementaux

A l’occasion de la Semaine Européenne de la Mobilité, l’ADEME publie ce jour sa nouvelle étude « Caractérisation des effets rebond induits par le télétravail ». Cette étude, publiée quelques mois après le premier volet « Télétravail, mobilités et mode de vie » réalisée dans le cadre de la crise sanitaire, rend compte des enjeux de cette pratique qui impacte profondément les modes de vie et les organisations du travail. Ce changement de pratique induit des changements plus globaux de comportements des individus et des entreprises qui peuvent amplifier ses bénéfices environnementaux ou a contrario les atténuer (on parle dans ce cas d’effets rebond).

A partir d’une enquête terrain menée auprès de 26 organisations françaises et une revue bibliographique, l’ADEME révèle que le bilan global du télétravail est favorable d’un point de vue environnemental, et est par ailleurs plébiscité par les salariés en raison de ses avantages individuels (qualité de vie, gain de temps et d’argent, etc.). Cependant, cette étude identifie des effets rebond impactant le bénéfice environnemental du télétravail. Ils pourraient se matérialiser à moyen terme, surtout dans ce contexte de crise sanitaire, par l’augmentation de l’usage du numérique et des outils de télécommunication, les nouveaux besoins en immobilier des entreprises mais également le potentiel éloignement du lieu de travail.

Le télétravail garantit des bénéfices environnementaux et en termes de qualité de vie

Du point de vue des télétravailleurs

L’étude explique que l’un des premiers effets favorables est la réduction des trajets professionnels : un jour de télétravail permet de réduire de 69% le volume des déplacements du jour. Les distances parcourues lors des trajets résiduels sont aussi en général plus courtes que le trajet domicile-travail et elles participeraient à la réduction de la congestion routière favorable à l’amélioration de la qualité de l’air.

Aussi, le télétravail modifie la mobilité quotidienne des télétravailleurs qui devient davantage active et en « étoile » (voir schéma ci-dessous) car les déplacements se font à proximité des lieux de vie. Des étapes dites « opportunistes » mais non indispensables des déplacements quotidiens sont parfois supprimées.  Ainsi les transports en commun apparaissent plus adaptés et les télétravailleurs sont davantage enclins à la pratique de la marche ou du vélo. L’une des incidences serait une réappropriation des services et commerces de proximité.

Ainsi, 32% des participants à l’enquête terrain évoquent un souhait de profiter du télétravail pour « ne pas prendre de transport/voiture » et ainsi « se déplacer à pied », « se recentrer sur leur quartier, sur les commerces de proximité » et « sur une consommation plus locale ».

Par ailleurs, en réduisant les temps de trajet domicile-travail, cette pratique rend soutenable des distances plus importantes et aurait pour conséquence, entre autres, des changements de cadres de vie estimés comme plus agréables (où le prix de l’immobilier serait plus faible pour une surface habitable plus grande). Les télétravailleurs pourraient s’éloigner davantage du lieu de travail (changement de région par exemple) ce qui permettrait d’étendre les bassins de recrutement pour les employeurs.

Au sein de cette étude, l’ADEME a analysé les impacts environnementaux de ces éloignements potentiels et le nombre de jours de télétravail nécessaires pour les compenser.

Des scénarios individuels ont été simulés pour montrer les potentiels effets d’une relocalisation sur le bilan carbone d’un télétravailleur :

Afin de comparer ces différents scénarios entre eux, la référence suivante a été retenue : un salarié qui travaille à 10 kilomètres des bureaux de son entreprise, et qui se rend au bureau chaque jour en voiture. Les déplacements de ce salarié entraînent l’émission de 19,3 kg eq. CO2/semaine.

 

Ainsi, dans l’exemple pris, le salarié choisissant de déménager en milieu rural devrait télétravailler 3 jours par semaine pour avoir un impact environnemental moindre que le salarié de référence.

Du point de vue des entreprises

Le télétravail apporte également des bénéfices aux entreprises, notamment au regard de leurs besoins en immobilier. Avec moins de salariés dans les bureaux, le télétravail offre aux employeurs la possibilité de faire le choix de nouveaux types d’occupation, comme le flex office.

Cette pratique, qui consiste à ne pas avoir de bureau attitré sur le lieu de travail, permet d’optimiser les surfaces et de réduire les coûts. L’étude révèle qu’en intégrant les réductions de surfaces immobilières qu’il induit quand il est couplé au flex office, la balance environnementale globale du télétravail s’améliore très sensiblement de +52 % par jour de télétravail hebdomadaire (soit -234kg eqCO2/an pour chaque jour de télétravail hebdomadaire supplémentaire) consolidant nettement ses avantages environnementaux. Les entretiens avec les employeurs ont d’ailleurs révélé un fort développement actuel et prévu de ce principe d’occupation des bureaux.

Les bénéfices environnementaux du flex office pourraient dépasser les bénéfices en matière de mobilité. La dimension sociale, l’acceptabilité et l’intégration dans les modèles d’organisation d’entreprise n’ont pas été étudiés ici mais feront l’objet d’une prochaine étude, relative à l’évolution des organisations des entreprises à moyens et long termes (exercice prospectif).

Pour les entreprises, le télétravail réduit aussi les consommations de « bureaux » (papier, encre, fournitures, gobelets, décoration, vidéoprojecteurs, etc.) et les consommations énergétiques de l’entreprise. Cependant, ces réductions sont pour certaines reportées sur le télétravailleur. Notamment les consommations énergétiques au domicile qui augmentent. L’étude estime ainsi que la consommation d’énergie au domicile pendant la journée de télétravail augmenterait mécaniquement : +20,7 kg eqCO2/an pour un jour de télétravail hebdomadaire pour celui qui le pratique. Cet effet est à comparer avec celui relatif aux flex office qui génère un effet positif, qui englobe la réduction de l’emprise foncière mais aussi les consommations énergétiques associées. L’ADEME appelle néanmoins à la prudence sur ce chiffre car plusieurs phénomènes peuvent modérer cette surconsommation au domicile (la responsabilisation du salarié en raison de la charge financière, la régularisation du chauffage, la performance des appareils et logements …).

Des effets rebond potentiels qui devraient se matérialiser à moyen terme

L’ADEME constate que certains enjeux sont à quantifier et clarifier car ils peuvent impliquer des impacts négatifs à terme sur les bénéfices environnementaux du télétravail. Pour les prévenir et anticiper, elle recommande de :

  • analyser les tendances sur l’utilisation des tiers-lieux (qui pourraient maintenir des déplacements résiduels et multiplier les surfaces immobilières) et les extensions de logement: le télétravail pourrait conduire à acquérir des logements plus grands pour disposer d’un lieu dédié au télétravail.
  • réaliser des études sur l’impact de la visio-conférence et sur le doublement de l’équipement informatique qui, dans un contexte de télétravail, pourrait avoir un impact écologique significatif lorsqu’on sait qu’aujourd’hui, la pollution numérique est responsable de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et d’une consommation croissante de ressources. L’effet rebond défavorable en lien avec les visioconférences s’élève à lui seul en moyenne à 2,6kg eqCO2/an pour un jour de télétravail hebdomadaire.
  • étudier les futurs besoins immobiliers, tant du côté des salariés que celui des entreprises : ces dernières peuvent être incitées à rassembler les sites locaux distribués en un site plus central ce qui implique naturellement un allongement du trajet domicile-bureau. Couplé aux potentiels éloignements urbains, ces pratiques devront faire l’objet d’une analyse sur l’impact sur la qualité de l’air, les variations réelles de mobilité et les mobilités de loisirs.

En conclusion, l’ensemble des effets rebond identifiés (déplacements supplémentaires, relocalisation du domicile, usage de la visioconférence, consommations énergétiques du domicile…) peuvent réduire en moyenne de 31 % les bénéfices environnementaux du télétravail. Cependant, si l’on prend en compte également les effets positifs induits – en particulier ceux générés par le flex office organisé, nous obtenons une balance positive de + 52 %. Ces bénéfices sont significatifs et justifient l’encouragement du développement du télétravail, dans un contexte où il est par ailleurs plébiscité par les salariés eux-mêmes en raison de ses avantages individuels (qualité de vie, gain de temps et d’argent, etc.).

L’ADEME prévoit des études complémentaires permettant l’élaboration d’une méthodologie d’évaluation des impacts environnementaux du télétravail. L’étude pointe l’importance d’accompagner le déploiement et la pratique du télétravail par des politiques publiques en faveur de la sobriété et de la décarbonation, conditions pour maximiser les effets positifs du télétravail.

Parmi les recommandations de l’ADEME :

  • décourager la pratique du télétravail par journée incomplète
  • encourager la mise en place d’un flex office organisé, sous réserve de maîtriser ses potentiels impacts sociaux,
  • promouvoir les mobilités actives ou les transports en commun pour réduire l’impact des mobilités en étoileautour du domicile du télétravailleur
  • contenir l’étalement urbain et accroître l’offre de logements près des emplois
  • maintenir une offre de transports en commun attractive pour les non-télétravailleurs et ainsi éviter les reports modaux.

 

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