Comment évolue la sensibilité des Français à l’environnement dans le contexte actuel de la crise sanitaire ? L’ADEME a inséré en 2020 des questions spécifiques dans le dispositif d’enquête « Conditions de vie et aspirations » du CREDOC, mené chaque année en Janvier et complété par une vague spéciale Covid en avril-mai. L’étude de ces deux vagues d’enquête permet de saisir l’évolution des opinions environnementales liée au confinement. Elle montre que malgré la crise sanitaire, les préoccupations environnementales occupent toujours une place majeure pour les Français.
Une préoccupation environnementale qui reste forte malgré la crise sanitaire
La crise sanitaire n’efface pas la tendance à une sensibilité écologique croissante, mais ne l’amplifie pas non plus. L’environnement reste une préoccupation centrale : 30% des Français en font leur première préoccupation en mai 2020, devant le chômage (18%), ce qui reste très stable par rapport aux début d’année (31% vs. 17%).
Parmi les facteurs favorisant la propagation des épidémies comme celle liée au Coronavirus, la mondialisation des échanges est citée en premier (84%), devant le manque d’investissement dans la santé et la recherche (80%) puis la déforestation ou la diminution des espaces naturels sauvages (57%).
Une demande de transition écologique orientée sur l’environnement et la justice sociale
Le caractère inédit de la situation sanitaire donne à voir des attentes en matière de relance qui mettent les préoccupations environnementales au premier plan.
Au regard des montants financiers engagés par les Etats afin de lutter contre la crise sanitaire, les Français sont 77% à souhaiter des efforts identiques pour lutter dès maintenant contre le réchauffement climatique.
Cette attente de mobilisation publique en matière d’environnement vise également les décisions de politique économique à venir : 61% des Français estiment qu’il faut réorienter en profondeur l’économie vers les activités qui préservent l’environnement, la cohésion sociale et la santé, même si cette réorientation se fait aux dépens de la croissance d’autres activités. A l’inverse, 33% des Français jugent qu’il faut relancer fortement l’économie en favorisant la croissance quels que soient les secteurs, même si c’est au prix de certains impacts négatifs sur l’environnement
Un consentement inédit à l’instauration d’une fiscalité environnementale, mais qui reste inégal selon les catégories de population
Fait sans précédent, l’étude révèle une évolution en faveur de taxes environnementales. Historiquement, les Français consentent peu à des efforts fiscaux en matière environnementale lors des crises économiques, d’autres enjeux – l’emploi notamment – étant jugés primordiaux. Conduites avant le confinement et en fin de confinement, les enquêtes révèlent cette fois une tendance contraire : alors que les Français étaient 24% à être favorables à une taxe environnementale en janvier 2020, ils sont 30% en avril (+ 6 points).
Toutefois, l’évolution de ce consentement à une taxe environnementale reste inégale : il concerne d’abord les seniors et les hauts revenus (+ 9 points pour chacune de ces catégorie), puis les jeunes (+7 points). Il en va de même pour la taxe spécifique sur les énergies fossiles, dite « taxe carbone » pour laquelle l’adhésion reste stable entre les deux vagues d’enquête (22% des Français s’y déclarent favorable en mai 2020 vs. 21% en janvier) mais diffère selon les niveaux de revenus : l’adhésion à la taxe carbone diminue pour les classes moyennes inférieures (-4 points entre janvier et mai), tandis que le soutien progresse chez les catégories aisées (+ 6 points). Les effets économiques de la crise sanitaire risquent de creuser cet écart.
Cette variation du consentement à une fiscalité environnementale reflète une attente de transparence et de lisibilité dans l’utilisation des recettes fiscales.
Les Français expriment largement leur scepticisme sur le caractère redistributif des recettes fiscales (seuls 19% estiment profiter de la redistribution via des prestations sociales ou des services publics, contre 78% qui se sentent lésés). Pourtant, plus d’un Français sur deux (56%) accepterait une hausse d’impôts pour soutenir certains domaines de l’action publique, dont prioritairement la santé et l’environnement.
L’enquête montre que le consentement à la taxe carbone varie selon l’utilisation des recettes fiscales : 51% des Français se déclarant opposés à une telle taxe changeraient d’avis sous condition d’utilisation des recettes fiscales pour financer des mesures en faveur de la transition écologique, d’une baisse d’autres impôts ou de la redistribution au profit des catégories modestes et moyennes. Au total, en cumulant les soutiens inconditionnels à la taxe carbone et ceux qui conditionnent leur acceptation à des mesures spécifiques d’affectation des recettes, ce sont 60% des Français qui se déclarent, en mai 2020, favorables à l’augmentation de la taxe carbone.
Par rapport aux débats de la période récente, l’acceptation d’une fiscalité croissante du carbone semble plus dépendre de considération de justice et d’équité que d’un refus d’une intervention de l’Etat ou d’un « ras-le-bol fiscal ». Les Français convergent majoritairement vers le souhait d’un Etat plus présent, qui régule, protège, redistribue, et demande un effort fiscal plus important aux catégories les plus aisées de la population.
Pour aller plus loin :
- Étude sur les contributions au « vrai débat » en liaison avec la fiscalité et l’environnement: https://www.ademe.fr/etude-contributions-vrai-debat-liaison-fiscalite-lenvironnement
- Sensibilité à l’environnement, relance verte et consentement à l’impôt : les Français sur une lancée écologique: https://www.ademe.fr/sensibilite-a-lenvironnement-relance-verte-consentement-a-limpot-Francais-lancee-ecologique