Cause de 40 000 décès chaque année en France, la mauvaise qualité de l’air constitue un enjeu sanitaire national majeur. Malgré les baisses d’émissions enregistrées entre 1990 et 2018 [1] , la qualité de l’air n’est toujours pas satisfaisante sur l’ensemble du territoire français notamment dans les grandes agglomérations. Des actions d’amélioration de la qualité de l’air sont nécessaires dans plusieurs secteurs (mobilité, batiment, agriculture…), et en particulier pour diminuer les émissions de polluants par les transports en zone urbaine. Dans son avis de mai 2018 [2] , l’ADEME indique que les principaux leviers permettant de diminuer les impacts des transports sur la qualité de l’air sont la réduction du trafic notamment en milieu urbain, et l’évolution du parc en termes de motorisations et de carburants. En complément, la prise en compte de la qualité de l’air dans les politiques d’urbanisme permet de limiter l’exposition des populations à un air de mauvaise qualité.
C’est dans ce contexte que l’ADEME publie une étude « Mesures pour modifier le trafic routier en ville et qualité de l’air extérieur » qui dresse un panorama des connaissances des impacts sur la qualité de l’air en ville de différentes mesures visant à limiter les émissions du trafic routier, et a donc vocation à encourager les collectivités territoriales à mettre en œuvre de nouvelles actions d’amélioration de la qualité de l’air. Ces actions peuvent compléter le dispositif des ZFE-m (Zones à Faible Emission-mobilité) que la loi Climat et Résilience étend aux agglomérations de plus de 150 000 habitants.
Des portraits d’agglomérations françaises types pour étudier les déterminants des émissions de polluants atmosphériques liées au trafic routier
Grâce aux données librement disponibles[3], les différents facteurs expliquant la variabilité spatiale de la contribution du trafic routier aux émissions de polluants atmosphériques (oxydes d’azote, particules PM10 et PM2,5, COVNM[4]) et de GES ont été analysés afin de définir différentes typologies de villes et décrire des portraits types.
Un échantillon de 25 territoires a été retenu selon différents critères :
- Régions variées (métropole et DROM-COM),
- Topographie (cuvette, plaine, zone côtière, etc.),
- Taille de ville, typologie (zone urbaine dense, bassin industriel, zone rurale, etc.),
- Communes dans et en dehors des zones de dépassement des valeurs limites réglementaires en émissions de polluants atmosphériques.
D’autres critères complémentaires sont à prendre en compte comme le parc de véhicules (le nombre de voitures électriques, d’hybrides, d’essence ou de diesel), la densité du territoire, la présence de pistes cyclables, les déplacements effectués (par exemple : pour aller au travail ou faire des courses).
L’étude met en exergue l’importance de mettre en place des mesures de réduction des émissions du trafic routier adaptées à chaque profil de territoire. 25 fiches « portraits » territoriales sont dressées dans le rapport (voir lien en fin de CP) afin d’illustrer la diversité des profils des territoires français au regard des émissions du transport routier.
Un panorama européen des solutions de réduction du trafic routier urbain
Diverses solutions testées et mises en place par des agglomérations européennes sont recensées et analysées :
- Piétonnisation permanente ou temporelle: Pietonnisation du centre-ville a Ljubljana, fermeture temporaire de la circulation des véhicules dans certaines rue à Édimbourg, dans le cadre des « rues scolaires ».
- Partage de l’espace public avec des modes de transport doux: Piétonnisation et espace partagé à Vienne, réseau d’autoroutes cyclables à Copenhague, suppression des voies routières à Nuremberg, Oxford et Bruxelles.
- Stationnement en ville : Relocalisation et suppression du stationnement à Munich, modification du tarif de stationnement à Vienne.
- Aménagements de voiries visant à dissuader l’usager : Aménagement d’un rond-point à Oxford.
Même s’il est difficile d’isoler les impacts d’une mesure spécifique sur le trafic et les émissions associées, les évaluations de ces dispositifs ont montré des réductions du trafic automobile, entrainant des réductions en termes d’émissions polluantes associées et de concentrations de polluants dans l’air.
A titre d’exemple, la piétonnisation du centre ville de Ljubljana a considérablement amélioré la qualité de l’air dans cette ville. Dans le centre-ville, la moyenne mensuelle de concentrations de NO2 a connu une réduction d’environ 44 % entre 2006 et 2019. Les concentrations de PM10 ont connu quant à elles, une diminution d’approximativement 40 % sur la même période. Autre exemple, à Édimbourg, où la fermeture temporaire de la circulation des véhicules, dans le cadre des « rues scolaires », a été expérimentée avec succès autour de 9 écoles. Les résultats d’impacts constatés à Édimbourg, qui a une population de 488 050 habitants (2016), montrent une réduction de 2 259 déplacements en voiture par jour, ainsi qu’une réduction des émissions de NOx dans les rues entourant les écoles.
Au contraire, l’étude a permis de montrer que les mesures de réduction de la congestion et de fluidification du trafic, par la création de voies de circulation supplémentaires, vont toujours générer une augmentation du trafic et des émissions associées.
Perspectives et solutions pour limiter les impacts sur la qualité de l’air en milieu urbain en France
- Les différentes stratégies de réduction de trafic routier (exemple : piétonisation de rues, mise en place de zones de partage, circulation alternée, etc.) réduisent les émissions de polluants à l’échelle locale. Cette réduction des émissions a un effet direct sur la qualité de l’air. En revanche, l’impact sera beaucoup moins marqué sur la pollution de fond. Une diminution locale d’un polluant ne permet pas d’améliorer largement et durablement la qualité de l’air du fond urbain. Un ensemble de mesures sur le trafic et sur les autres sources d’émission est nécessaire pour atteindre cet objectif global.
- Des aménagements tels que la piétonnisation sont très efficaces pour réduire les fortes concentrations de carbone suie[5] observées localement. Par exemple, à Bruxelles, la mise place de la zone piétonne sur le boulevard Anspach a permis une diminution locale des concentrations de carbone suie de 56 % lors du pic matinal et une diminution de 79 % pour le soir.
- Certaines situations météorologiques peuvent provoquer la stagnation des polluants et favoriser la formation de polluants secondaires. Réduire le trafic contribue à limiter les fortes concentrations de polluants liées à des épisodes de pollution.
- L’environnement physique (présence de la mer, montagne, plaine, etc.) joue également un rôle sur les effets d’un aménagement qui n’auront pas les mêmes impacts sur une ville côtière ou sur une ville située dans un bassin.
- Concernant la pollution à l’ozone, qui se forme à partir des COV –composés organiques volatils- et des oxydes d’azote, il convient aussi de diminuer les émissions de COV hors trafic car la baisse du volume de trafic n’engendre pas nécessairement de baisse des concentrations d’ozone en zone urbaine.
Le comportement des automobilistes face à la modification du trafic routier urbain L’étude a permis de constater et confirmer que le comportement des automobilistes (fréquence et nombre de déplacements en voiture, véhicules kilomètres parcourus, etc.) a tendance à s’adapter à l’offre d’infrastructure routière ainsi qu’à l’offre de stationnement (nombre et disponibilité habituelle des places et/ou tarif). Par exemple, la création des voies de circulation supplémentaires génère une nouvelle demande de trafic automobile « trafic induit », qui se traduit par des effets négatifs en termes d’émissions et de qualité de l’air. En revanche, lorsqu‘une voie de circulation est fermée, des réductions de trafic automobile « trafic évaporé » sont progressivement observées sur l’ensemble du territoire concerné. |
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[1] Gaz à effet de serre et polluants atmosphériques – Bilan des émissions en France de 1990 à 2018. Citepa, format Secten, juin 2020.
[2] Avis de l’ADEME « Émissions de particules et de NOx par les véhicules routiers » – Mise à jour Mai 2018.
[3] Donnés provenant d’associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), du Citepa et du Service des Données et Études Statistiques (SDES) ou de l’INSEE.
[4] Composés Organiques Volatils non méthaniques
[5] Le carbone suie (black carbon ou BC), composante des particules, est issu de la combustion incomplète des combustibles fossiles et de la biomasse. Les principales sources d’émission sont le trafic routier, les poêles à bois et les feux de forêt. Le carbone suie a des impacts significatifs sur la santé humaine et sur le climat.