A l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation aux pertes et gaspillages alimentaires le 29 septembre, l’ADEME, avec l’accompagnement de SOLAAL, FranceAgriMer et le CTIFL, dévoile les résultats d’une nouvelle opération témoin « Fruits et légumes : des solutions pour réduire les pertes et gaspillages alimentaires ». Réalisée entre 2019 et 2021 auprès de 13 sites (producteurs et stations de coopératives agricoles) de fruits et légumes dans toute la France, dans un contexte de crise sanitaire inédite, cette étude propose des solutions à ces acteurs pour réduire les pertes[1] et les gaspillages alimentaires[2]. Ces solutions leur permettent de réaliser des économies financières, tout en réduisant l’impact environnemental de leur activité. En effet, les pertes et gaspillages alimentaires (souvent liés aux variations saisonières et aléas de marché) représentent un manque à gagner de près de 20% du chiffre d’affaires des exploitations et stations coopératives agricoles étudiées. A titre d’exemple, grâce à l’opération témoin de l’ADEME, ces sites pilotes ont réduit en moyenne de 30% leurs quantités perdues, leur permettant d’économiser en moyenne 315 K€ (par an et par entreprise) soit près de 40% du coût des pertes, et de réduire leur empreinte carbone de plus de 30%.
Des pertes alimentaires importantes dans le secteur agricole
Les producteurs et stations de coopératives agricoles ayant participé à l’opération ont révélé des chiffres significatifs sur les pertes et gaspillages alimentaires souvent dues à des problèmes de conformité des cahiers des charges ou encore d’écueils sur les étapes de récoltes, tri et stockage. En moyenne, 27% de la production initiale est perdue et 17% est gaspillée. Ces pertes représentent un manque à gagner de près de 20% du chiffre d’affaires annuel et 215 tonnes de CO2 émises chaque année.
L’ensemble du diagnostic et des actions testées ont permis de travailler sur l’ensemble des étapes de production.
L’ADEME a donc, pendant près de 18 mois, accompagné les producteurs de fruits et légumes à mettre en œuvre un plan d’actions sur-mesure pour réduire les pertes alimentaires et réaliser des économies financières. Pour ce faire, 3 exploitations[3] ont mis en place différentes actions comme :
- une formation systématique des professionnels opérationnels et saisonniers sur les bons gestes (tri trop strict, mauvaise manipulation, stockage trop long, etc.);
- un travail pour assouplir progressivement les cahiers des charges en lien avec les distributeurs;
- le développement de circuits alternatifs via des partenaires spécialisés pour l’écoulement systématique des produits non-conformes (calibrages, formes, aspects);
- une offre en circuit-court permettant de s’affranchir des contraintes de logistique, de cahiers des charges, en s’appuyant sur les démarches locales existantes.
Du côté des 10 stations de conditionnement des coopératives agricoles[4], les actions ont consisté à améliorer le suivi et le pilotage des pertes (via un tri plus précis et une adaptation des durées de stockage par exemple), à adapter les outils en interne (pour réduire des chutes de fruits ou légumes le long d’une ligne de tri ou optimiser les phases de découpe ou d’épluche), à sensibiliser les producteurs adhérents aux réflexes pouvant limiter les pertes notamment lors de la cueillette et du transport, à diversifier les débouchés commerciaux, à valoriser les pertes en alimentation humaine (produits transformés, donnés ou valorisés dans des circuits spécialisés) ou hors alimentation humaine (méthanisation).
Focus crise sanitaire & opération témoin La mise en œuvre de ces actions a coïncidé avec la crise sanitaire de la Covid-19. Si cette dernière a complexifié la mise en œuvre des actions et surtout l’interprétation des résultats, cette situation inédite a mis en relief l’importance de certains facteurs. En particulier, cette année atypique s’est traduite pour une grande partie de l’échantillon témoin par un marché porteur : la demande des clients en produits a été largement supérieure à l’offre des producteurs et coopératives. Par conséquent, les produits ont été vendus plus facilement, à un prix souvent plus élevé ce qui s’est traduit au niveau des sites témoins par très peu d’invendus et relativement peu de litiges clients. Par comparaison avec les résultats des diagnostics, il semble que cet effet de marché a contribué de façon sensible à la réduction de certaines sources de pertes. D’autre part, la crise sanitaire a également permis d’observer des situations atypiques concernant la main d’œuvre de récolte. En mobilisant exceptionnellement une main d’œuvre spontanée (réseaux sociaux, plateforme dédiée) et locale, les sites témoins ont constaté une réduction significative des pertes au champ. Enfin, l’épisode « Covid-19 » a également mis en évidence la résilience des exploitations et stations : les sites ont su faire preuve d’adaptation en ajustant leur plan d’action au contexte. |
Un bilan positif pour l’environnement, le chiffre d’affaires des producteurs et la réduction des pertes alimentaires
Alors que les sites étaient déjà affectés par les variations saisonnières et la crise COVID, les résultats de l’opération démontrent la grande efficacité des solutions mises en place. En effet, après la mise en place d’un plan d’action adapté à chacun des 13 sites pilotes, l’étude révèle que ces sites ont réduit :
- Les quantités perdues de 30% en moyenne;
- Les coûts de 315 K€ en moyenne par site, répartis à moitié entre les producteurs et les stations coopératives;
- Leur empreinte carbone de plus de 30%.
Si la baisse des pertes et gaspillage est en partie attribuable au contexte spécifique et à une plus faible production saisonnière, les plans d’actions mis en place devraient permettre de pérenniser les bons résultats de cette expérimentation.
Paroles de particpants… « Cette opération nous a obligés à prendre du recul sur nos process de production et de mettre le doigt où ça fait mal. Il y a des moyens possibles pour réduire les pertes, qui ne sont pas forcément coûteux (par le management, la sensibilisation des équipes …) et peuvent en plus contribuer à impliquer, motiver et créer du liant au sein des équipes ». Delahaye Maraichers (Saint-Martin-le-beau, Centre Val de Loire) « L’étude ADEME a eu un effet déclencheur et moteur dans notre prise en main des outils de gestion des pertes ». Primeurs de la Crau (Saint Martin de Crau, PACA) « Une étude qui met le doigt sur des problématiques vécues au quotidien et qui peuvent être décourageantes. Le gaspillage est dépendant des voies d’écoulement commerciales et de la météo, jouant sur la conformité des choux aux cahiers des charges…C’est une réalité qui est importante à exprimer. Cette étude est un témoignage. » Alain GOUBET, producteur-expéditeur (Bancourt, 62, Haut-de France) |
[1] Correspond à l’ensemble des matières alimentaires perdues lors des étapes de production, quelle que soit leur valorisation
[2] Correspond aux pertes matières qui ne sont pas valorisées en alimentation humaine
[3] Exploitation de Producteurs-expéditeurs : producteur agricole qui gère lui-même le conditionnement et l’expédition de ses produits
[4] Stations de coopératives agricoles : sociétés créées et détenues par des agriculteurs afin de mutualiser des outils de production, de stockage, de conditionnement ou de commercialisation de leurs produits. Dans le cadre de l’étude, l’ensemble des stations sont des coopératives agricoles.
* Parmi les 13 sites seul 1 a doublement subit une météo défavorable entrainant une production majoritairement hors calibre conjuguée avec une forte baisse des débouchés principalement orientés vers les grossistes.