Pour ses 10 ans, l’ONPE publie une déclaration collective appelant à faire de la précarité énergétique une priorité nationale

Dans un contexte de hausse subite du prix de l’énergie, et à l’occasion de son 10e anniversaire, l’Observatoire National de la Précarité Énergétique (ONPE) dévoile ce jour les résultats de son étude dressant le bilan des actions de dix ans de lutte contre la précarité énergétique en France ainsi que son dernier tableau de bord. Ils révèlent notamment que les ménages en situation de précarité énergétique [1] restent particulièrement exposés aux aléas climatiques et aux variations du prix de l’énergie malgré la montée en puissance de politiques d’aide à la rénovation énergétique des logements. Les nombreux dispositifs mis en œuvre sont considérés comme « inaccessibles » pour des ménages isolés et souvent défaitistes, faute de pouvoir bénéficier d’un accompagnement continu dans le temps.

Au regard de la hausse du nombre de ménages qui se plaignent d’inconfort thermique, le phénomène de précarité énergétique est plus que jamais d’actualité, dans un contexte de hausse importante des prix de l’électricité et du gaz depuis 10 ans.

Au cours de l’hiver 2020-2021, 1 ménage sur 5 a souffert du froid dans son logement pour des raisons liées à la précarité énergétique [2]. Après une relative stabilité entre 2018 et 2020, la déclaration de « l’inconfort thermique » connait une hausse de plus de 40% par rapport à l’hiver 2019-2020. La rigueur de l’hiver, les conséquences de la crise sanitaire (confinements à domicile, baisse ou perte de revenus…) et l’augmentation des prix des énergies sont des pistes explicatives.
En effet, depuis 10 ans les prix de l’électricité et du gaz n’ont cessé de monter (respectivement +41% et +23%), alors que plus de 2/3 des Français [3] se chauffent avec ces énergies. Avec une facture énergétique en hausse [4] et un revenu de solidarité active (RSA) stable, ces derniers rencontrent des difficultés croissantes à subvenir à leurs besoins énergétiques, ce qui s’exprime par des déclarations de restriction en matière de consommation (36% en 2020, contre 31% en 2019) et des coupures d’énergie. Même s’ils ont été protégés par l’allongement de la trêve hivernale, 551 721 ménages ont connu en 2020 une intervention d’un fournisseur d’énergie à la suite d’impayés [5] (suspension de fourniture et limitation de puissance).
Malgré la montée en puissance de politiques d’aide à la rénovation énergétique des logements qui s’est notamment traduite par le lancement de MaPrimeRénov [6], et en dépit des aides existantes (chèque énergie, FSL, CCAS/CIAS et associations caritatives), 40% des ménages se plaignent d’une mauvaise isolation de leur logement, cause principale à leur inconfort.

Selon l’ONPE, les politiques et les dispositifs de lutte contre la précarité énergétique ne sont pas assez lisibles et accessibles pour les ménages concernés

Comme le révèle l’étude menée par l’ONPE « 2010-2020 : 10 ans après le Grenelle de l’Environnement, analyse rétrospective et prospective de l’efficacité et de l’efficience des instruments de lutte contre la précarité énergétique en France », les ménages sont confrontés à une multiplicité des dispositifs d’aides nationales et locales et à une méconnaissance des parcours d’accompagnement. De plus, elle pointe le manque de moyens et de suivi des politiques en termes d’impacts sur la réduction de la précarité énergétique.

Les dispositifs, très hétérogènes, doivent mieux cibler les locataires qui ne sont pas concernés par les aides à la rénovation. Le Programme « Habiter Mieux Sérénité » de l’Anah, le dispositif « MaPrimeRénov’ », le Chèque Énergie, les programmes financés par les Certificats d’Économie d’Énergie ou encore les aides financières distribuées par les départements et les associations caritatives répondent à des logiques différentes, avec des moyens contraints. En outre, les ménages précaires ont besoin d’un accompagnement gratuit et continu dans la durée pour les aider à se saisir des dispositifs les plus adaptés à leur situation.

Les 6 recommandations de l’ONPE pour faire reculer la précarité énergétique

Forts des enseignements tirés sur les dix premières années de l’ONPE, les 28 membres de l’Observatoire ont travaillé sur des pistes d’actions à mener dans le cadre d’un futur « Plan national de lutte contre la précarité énergétique ».

Six axes de recommandations sont mis en avant :

• Faire de la précarité énergétique une priorité gouvernementale et nommer un délégué interministériel à la précarité énergétique, placé auprès du Premier ministre et garant de la mise en œuvre d’un plan national de lutte contre la précarité énergétique ;
• Renforcer les aides au paiement des factures des ménages : l’ONPE propose ainsi de doubler le montant du chèque énergie et d’abonder davantage les Fonds de Solidarité Logement (FSL);
• Garantir un reste-à-charge zéro pour les ménages très modestes voulant se lancer dans des chantiers de rénovation ambitieux et performants ;
• Former et outiller les travailleurs sociaux, les collectivités et les futurs Accompagnateurs Rénov’ au repérage et à l’accompagnement des ménages les plus démunis pour être en mesure d’assurer à ces derniers un accompagnement gratuit, continu et ciblé, du repérage au contrôle ex-post des travaux ;
• Encadrer les actions de tous fournisseurs d’énergie qui doivent, comme le prévoit le décret [8], abonder les FSL, nommer des « correspondants solidarité-précarité » et assurer la remontée systématique des données collectées sur les clients vulnérables ;
• Favoriser la production de connaissances fiables et pérennes grâce au lancement de nouvelles enquêtes pérennes pour suivre le phénomène dans le temps et dans l’espace et permettre aux acteurs de terrains d’assurer des modes d’intervention adaptés.
Ces recommandations font l’objet d’une déclaration collective ce 9 Novembre 2021 à Lille lors du 4e Colloque national de l’ONPE intitulé « Dix ans du Grenelle de l’environnement : bilan et perspectives ».

Pour aller plus loin :

Le tableau de bord de l’ONPE 2021
« Contexte et dispositifs de lutte contre la précarité énergétique en Europe », 2021
• Tout savoir sur les aides financières pour prévenir et traiter la précarité énergétique

 


1) 5,6 millions de ménages sont en précarité énergétique selon le rapport « la précarité énergétique à la lumière de l’Enquête Nationale Logement 2013 »
2) Baromètre info-énergie 2021
3) Enquête Nationale Logement 2013
4) La facture moyenne d’énergie s’élève à 3 144€ par an et par ménage en 2019, dont 1 602€ liés à l’énergie et 1 542€ d’achat de carburants.
5) Soit une diminution de 18% par rapport à 2019. Il s’agit d’une baisse en « trompe l’oeil », résultant de la prolongation de la trêve hivernale du 1er avril au 10 juillet, soit 3 mois de plus que les délais conventionnels.
6) MaPrimeRénov a permis de financer 297 000 chantiers (au 1er juillet 2021), soit le double des chantiers en 2020.

7) Il est à noter que l’impact de la crise liée à la COVID-19 sur la précarité et les inégalités sociales ne peut être évalué en raison de la temporalité des statistiques nationales, l’Enquête Nationale Logement ayant lieu tous les 7 ans.

8) Article 11 du Décret n°2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau

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