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AVIS D’EXPERT ADEME : FORET, BOIS ENERGIE ET CHANGEMENT CLIMATIQUE : QUELLES PRATIQUES SYLVICOLES POUR AMELIORER LE BILAN CARBONE DES PLAQUETTES FORESTIERES ?

Le « bois-énergie » est la première énergie renouvelable en France, représentant près de 33 % de la production actuelle d’énergie renouvelable. Il a un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique de la France. Alors que la combustion du bois est souvent considérée comme neutre en carbone,  l’ADEME publie aujourd’hui un avis qui appelle à ce que l’impact induit par une augmentation de la récolte du bois sur les stocks de carbone ou le puits de carbone forestier soit pris en compte dans l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre associées au bois-énergie. En effet, une analyse de cycle de vie réalisée par l’ADEME montre la grande variabilité de cet impact : il peut diminuer, ou augmenter, suivant les pratiques sylvicoles modélisées. Afin d’optimiser sa contribution à l’atténuation du changement climatique, l’ADEME recommande de favoriser les pratiques sylvicoles permettant d’augmenter la production de bois énergie tout en limitant la diminution ou en augmentant les stocks moyens de carbone en forêt.

 

Le bois-énergie est en effet souvent associé à l’idée de neutralité carbone, notamment parce que dans la plupart des cas, sa combustion est associée à un bilan nul en émission de CO2. Cette convention de calcul est basée sur l’hypothèse d’un équilibre immédiat entre les émissions de CO2 engendrées par la combustion du bois et les quantités de CO2 absorbées lors de la croissance des arbres. Cette hypothèse présente des limites car elle ne permet pas d’évaluer l’incidence (positive ou négative) d’une modification du niveau de récolte du bois et des pratiques sylvicoles, induite par le développement du bois-énergie, sur les stocks de carbone et leur évolution en forêt. Il est donc nécessaire, pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre associées au bois-énergie, de prendre en compte l’impact induit par une augmentation de la récolte du bois sur les stocks de carbone ou le puits de carbone forestier.

Afin d’optimiser sa contribution à l’atténuation du changement climatique, l’ADEME recommande de favoriser les pratiques sylvicoles permettant d’augmenter la production de bois-énergie tout en limitant la diminution ou en augmentant les stocks moyens de carbone en forêt.

Par exemple, la production de plaquettes forestières à partir de nouveaux boisements sur des terres actuellement non boisées en déprise agricole ou sur des friches urbaines peut favoriser en même temps le stockage de carbone en forêt.

 

Des objectifs ambitieux de développement du « bois-énergie », 1ère EnR en France

Le « bois-énergie » regroupe à la fois le bois utilisé par les ménages (appareils indépendants de chauffage type inserts, poêles ainsi que les chaudières dans les maisons et les immeubles collectifs), les chaufferies biomasse dans l’industrie, l’agriculture, le collectif et le tertiaire, ainsi que la chaleur renouvelable produite par les cogénérations biomasse.

 

Le « bois-énergie » est aujourd’hui la première énergie renouvelable en France, et représente à lui seul 33% de la production d’énergie renouvelable en France. Il a un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique de la France, en contribuant à réduire les émissions de la production de chaleur, reposant aujourd’hui encore majoritairement sur des ressources fossiles.

 

Les objectifs d’augmentation de la production de chaleur à partir de biomasse définis dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie sont ambitieux pour les secteurs collectifs, industriels et domestiques.

L’atteinte de ces objectifs devra s’appuyer d’une part sur une hausse des prélèvements de bois en forêt, et d’autre part sur une diversification de l’approvisionnement en biomasse. Pour les secteurs collectifs et industriels en particulier, la biomasse utilisée pour produire de la chaleur peut être diverse, avec une part de bois issu de coupes en forêt (plaquettes forestieres) ou d’arbres hors forêt (espaces verts et haies) de faible qualité mais également des produits bois en fin de vie, des connexes ou sous-produits de l’industrie de transformation du bois, et des sous-produits agricoles.

L’AVIS publié ce jour porte uniquement sur la contribution à l’atténuation du changement climatique du développement de la production de chaleur à partir de plaquettes forestières issues des coupes de bois en forêt.

 

L’importance des puits de carbone forestiers pour atteindre la neutralité carbone

Face à l’urgence climatique, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone sur son territoire à l’horizon 2050. La neutralité carbone implique un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et la séquestration de carbone atmosphérique par des puits. Les forêts sont aujourd’hui un des principaux puits de carbone en France.

En absorbant du dioxyde de carbone (CO2), grâce à la photosynthèse, les forêts jouent trois rôles essentiels dans l’atténuation du changement climatique :

  • un rôle de réservoir du fait du stockage de carbone (dit « biogénique ») dans la végétation (y compris le bois mort et la litière) et les sols des forêts, ainsi que dans les produits bois ;
  • un rôle de puits si les stocks de carbone dans le réservoir forestier augmentent, permettant ainsi de retirer du CO2 de l’atmosphère ;
  • un rôle de réduction des émissions d’origine fossile grâce à l’utilisation du bois en substitution d’autres matériaux (acier, ciment, etc.) ou énergies (charbon, pétrole, gaz, etc.), davantage consommateurs ou émetteurs de carbone fossile.

 Par sa capacité à maintenir et à augmenter les stocks de carbone en dehors de l’atmosphère, dans les forêts et les produits bois et à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine fossile, le secteur forêt-bois est stratégique pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. Ces mécanismes doivent être évalués conjointement car ils sont interconnectés : une action de réduction des émissions d’origine fossile par substitution peut avoir un effet sur la fonction de puits ou de réservoir de carbone des forêts.

Les résultats de plusieurs études scientifiques indiquent que l’augmentation des prélèvements dans les forêts existantes réduirait le rôle de puits de carbone que ces écosystèmes forestiers peuvent jouer à l’horizon 2050.

 

L’ADEME publie son étude de l’Analyse du cycle de vie du bois-énergie collectif et industriel qui montre la grande variabilité des impacts sur le puits  de carbone en forêt : celui-ci peut diminuer, ou augmenter, suivant les pratiques sylvicoles modélisées

https://librairie.ademe.fr/energies-renouvelables-reseaux-et-stockage/5214-analyse-du-cycle-de-vie-du-bois-energie-collectif-et-industriel.html

Cette ACV propose une première approche de quantification des bilans de gaz à effet de serre (GES) de la production de chaleur à partir de plaquettes forestières issues de différents scénarios sylvicoles dans un contexte d’augmentation de la récolte de bois. Cette approche a permis de prendre en compte l’impact des variations de carbone dans une parcelle forestière et dans les produits bois, en lien avec des changements de pratiques sylvicoles ou d’occupation des sols. Elle a permis ainsi d’évaluer l’impact d’une récolte accrue de bois sur le stockage de carbone forestier au niveau de cette parcelle et des produits bois générés, par rapport à un scénario de référence. Les exemples étudiés montrent une grande variabilité du bilan GES global  de la production de chaleur à partir de plaquettes forestières en fonction des pratiques sylvicoles considérées, et confirme donc l’importance de mieux prendre en compte les variations de puits de carbone forestier dans l’évaluation environnementale du bois-énergie dans un contexte d’augmentation des prélèvements.

Par ailleurs, cette approche permet de confirmer les pratiques sylvicoles permettant d’augmenter la production de bois-énergie tout en limitant la diminution ou en augmentant les stocks moyens de carbone en forêt. Ainsi, il est recommandé de prioriser pour le bois énergie du bois ne trouvant pas de débouché matériau et qui :

  • aurait dans tous les cas été coupé : actions sylvicoles nécessaires à la récolte du bois d’œuvre (coupes de cloisonnement, etc.), coupes sanitaires, récolte du houppier tout en laissant des menus bois au sol ;
  • favorise la production de bois d’œuvre : coupes sélectives des arbres de faible diamètre;
  • est issu de nouveaux boisements sur des terres actuellement non boisées en déprise agricole ou des friches urbaines.

De plus, l’ADEME recommande de respecter le principe de priorisation de l’usage du bois dans des matériaux à longue durée de vie (charpente et couverture, menuiserie et revêtement de sol, ameublement, etc.). En effet, ces matériaux stockent pendant leur durée de vie une partie du carbone prélevé en forêt et peuvent se substituer à d’autres plus émetteurs de gaz à effet de serre (acier, béton, plastique, etc.).

 Enfin, l’ADEME rappelle que le bois-énergie contribue à réduire l’utilisation des ressources fossiles, à améliorer notre indépendance énergétique et à développer une économie créatrice d’emplois notamment dans les zones rurales.

 

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