L’ADEME a publié fin novembre 2021, quatre scénarios d’avenirs possibles pour atteindre la neutralité carbone en France en 2050. Baptisés « Transition(s) 2050 », ces quatre scénarios, très contrastés, permettent de se projeter dans quatre modèles de société ayant atteint cet objectif climatique, via quatre chemins très différents, et d’en mesurer les conséquences et impacts techniques, environnementaux et économiques. L’évaluation de ces impacts va faire l’objet de plusieurs publications de l’ADEME jusqu’à l’été 2022. L’ADEME rend aujourd’hui publics deux de ces feuilletons : la déclinaison des scénarios sur le mix électrique et l’évaluation des principaux matériaux et métaux nécessaires pour les principales technologies de la transition énergétique.
En raison de son caractère décarboné aujourd’hui et demain, l’électricité est amenée à occuper une place croissante dans le mix énergétique français : de 27 % de l’énergie finale consommée aujourd’hui, elle devrait représenter entre 42 % et 56 % selon les scénarios de Transition(s)2050. Cela soulève de nombreux enjeux en termes d’évolution du mix de production et des usages. Des enjeux techniques liés à l’impact du développement des EnR sur le mix électrique, des enjeux économiques liés aux investissements nécessaires dans les moyens de production, le réseau et les moyens de flexibilité, et enfin des enjeux environnementaux liés aux ressources naturelles et au foncier nécessaires pour assurer cette transition, qu’il s’agisse des besoins de matériaux pour les EnR, pour le nucléaire et pour les véhicules électriques.
Quels mix électriques pour une France neutre en carbone ?
Les mix électriques présentés par l’ADEME s’inscrivent en cohérence avec le système énergétique des quatre scénarios de neutralité carbone Transition(s)2050, et notamment de l’évolution des autres vecteurs énergétiques (vecteurs gaz et hydrogène, carburants liquides…). Si le niveau de consommation d’électricité est une donnée de sortie de chacun de ces scénarios, l’analyse du système électrique est utile pour évaluer les impacts des choix réalisés sur les autres pans des scénarios : la sobriété est très forte dans S1, est-ce utile pour le système électrique ? Le captage de CO2 consomme beaucoup d’électricité dans S4, est-ce possible pour le système électrique ? Produire beaucoup d’électricité renouvelable est-il réalisable en limitant l’impact sur l’utilisation des sols ?
Avec ce feuilleton, l’ADEME conforte et enrichit les analyses présentées par RTE en octobre 2021 et février 2022, bien que certaines hypothèses soient différentes, en explorant 3 dimensions d’analyse :
– L’impact des niveaux de demande d’électricité assez variés d’un scénario à l’autre (entre 400 et 800 TWh en 2050, à comparer à une demande actuelle de l’ordre de 480 TWh) ;
– L’impact des mix de production possibles pour faire face à ces niveaux de demande, incluant une modélisation de l’équilibre horaire entre l’offre et la demande sur toute la trajectoire 2020-2060, et permettant ainsi de dimensionner les moyens de flexibilité pour assurer la sécurité d’approvisionnement ;
– Une évaluation économique du coût des différentes trajectoires.
Parmi les enseignements qui ressortent de ces travaux, on peut noter :
- Dans le cas du scénario S3, avec une demande d’électricité de 650 TWh, comparable à celle de la SNBC utilisée par RTE dans son scénario central, le recours à des technologies complémentaires au photovoltaïque ou à l’éolien terrestre permet de limiter la pression sur les sols et les paysages: la modélisation montre que les deux options possibles, à savoir le nucléaire EPR2 ou l’éolien en mer flottant, apportent dans ce contexte des bénéfices économiques et CO2 proches, même si l’option avec nucléaire est légèrement moins coûteuse, y compris avec un coût du capital plus élevé.
- Le niveau de demande d’électricité en 2050 influe peu sur le coût complet de production de l’électricité en €/MWh, qui reste relativement proche des coûts 2020, sans toutefois tenir compte de certains investissements hors système électrique (notamment les importants investissements nécessaires pour rendre possible une plus grande sobriété dans les scénarios S1 et S2). Cela signifie qu’en toute hypothèse, les coûts de l’électricité devraient pouvoir être maîtrisés à horizon 2050 tout en atteignant la neutralité carbone du système énergétique. C’est dans le scénario S2, avec la mobilisation importante des leviers d’efficacité et de sobriété, que ce coût est légèrement plus faible en 2050 (-12 % par rapport à 2020), notamment parce que ce niveau de demande très modéré par rapport au scénario S3 (540TWh) permet de faire reposer le mix très majoritairement sur les technologies considérées dans l’étude comme les plus compétitives (photovoltaïque et éolien terrestre).
Quels besoins en matériaux et métaux pour les principales technologies de la transition énergétique ?
En amont de la publication prochaine d’un feuilleton dédié à l’empreinte matière et CO2 des quatre scénarios, l’ADEME a réalisé une analyse spécifique des besoins en métaux et principaux matériaux pour les technologies de la transition énergétique à fort potentiel de déploiement que sont les véhicules, les EnR électriques et le nucléaire. En effet, certains des matériaux utilisés pour ces technologies pourraient présenter des enjeux de disponibilité.
L’ADEME a réalisé cette évaluation des besoins bruts, hors recyclage et hors évolution technologique pour les solutions de productions d’énergie, en prenant en compte le contenu matière propre à chaque technologie et les trajectoires de déploiement différentes pour chaque scénario. Par exemple, le nombre de véhicules particuliers et utilitaires légers électriques neufs mis à la route varient entre 1,4 et 3 millions entre S1 et S4 en 2050.
Les principaux enseignements de ce travail sont :
- Pour les « grands matériaux et métaux », ceux dont les consommations annuelles dépassent 50 kt/an : les nouvelles technologies de la TE engendreront, selon les scénarios de l’ADEME, des consommations négligeables pour le béton, l’acier et le verre, mais qui peuvent, pour l’aluminium et le cuivre des véhicules, contribuer de façon prédominante à l’augmentation des besoins français d’ici à 2050.
- Pour les « petits matériaux et métaux », ceux dont la consommation annuelle est inférieure à 50 kt/an : l’étude permet d’objectiver le fait que, sans prendre en compte les capacités du recyclage, les véhicules électriques consomment davantage de nouveaux matériaux (lithium, cobalt, graphite) que le déploiement du photovoltaïque, de l’éolien ou du nucléaire. Elle souligne également l’importance de développer les technologies de recyclage et de sécuriser les approvisionnements en terres rares pour les éoliennes en mer et en matières pour les batteries des véhicules (lithium, cobalt, nickel et graphite).
Assez logiquement, les scénarios les plus sobres énergétiquement permettent également de réduire les impacts sur les besoins dans ces matériaux.
D’autres feuilletons « Transition(s) 2050 » de l’ADEME seront publiés avant l’été 2022, à la fois sur les impacts environnementaux et économiques :
- Feuilletons portant sur les impacts environnementaux: l’adaptation au changement climatique, l’impact sur l’utilisation des sols, l’évaluation de l’empreinte matière et CO2, l’impact sur la qualité de l’air ….
- Feuilletons portant sur l’économie: l’évaluation de l’impact macro-économique des scénarios, impacts sur quatre filières industrielles.
Retrouvez le rapport complet de « Transition(s)2050. Choisir maintenant. Agir pour le climat« ,
ainsi que les feuilletons thématiques sur le site dédié : https://transitions2050.ademe.fr/