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PLUS DE LA MOITIÉ DES PARTICULES FINES ÉMISES PAR LES VÉHICULES ROUTIERS RÉCENTS NE PROVIENNENT PLUS DE L’ÉCHAPPEMENT

Alors que les émissions de particules à l’échappement ont très nettement baissé avec la généralisation des filtres à particules, celles hors échappement provenant de l’abrasion des freins, des pneumatiques et des chaussées deviennent prépondérantes et représentent en France en 2019, plus de la moitié des particules émises par les transports routiers. Si les véhicules électriques, grâce au freinage régénératif, émettent moins de particules de frein que les véhicules thermiques, elles émettent plus de particules provenant du contact pneu-chaussée et de la remise en suspension, du fait de la plus grande taille de leur pneumatique due à leur masse plus importante.

Ainsi, les études récentes ne montrent pas un écart significatif d’émissions totales de particules entre les véhicules électriques à forte autonomie et les véhicules thermiques neufs actuels, qui n’émettent quasiment plus de particules à l’échappement. En revanche, dans le détail, les voitures thermiques émettent des oxydes d’azote et des composés organiques volatils, ce qui n’est pas le cas des véhicules électriques qui n’en émettent aucun.

Afin de réduire la pollution par les particules liées au trafic routier, il est donc indispensable d’associer à l’électrification du parc, d’autres pratiques pouvant faciliter l’atteinte de la neutralité carbone ayant des co-bénéfices sur les PHE : allégement des véhicules, développement de l’éco-conduite et des modes actifs…

 

Véhicules électriques vs. thermiques : point sur les particules émises hors échappement

Pour les véhicules récents, les particules hors échappement (PHE) émises par les systèmes de freinage, les pneumatiques ou les chaussées sont devenues largement prépondérantes par rapport aux émissions à l’échappement des véhicules essence et Diesel équipés d’un filtre à particules[1], [2]. Elles correspondraient à plus de la moitié des particules générées par le trafic routier en Europe d’après le Joint Research Centre (JRC) de la Commission Européenne[3]. Cette tendance va s’accentuer et les émissions globales de particules ne baisseront plus si aucune réglementation sur les émissions de particules de frein ou de pneus n’est mise en place[4].   

Grâce au freinage régénératif, les véhicules électriques émettent moins de particules issues du système de freinage que les véhicules à motorisation thermique (3% des PHE PM10 émises par un véhicule électrique proviennent du freinage et 25% dans le cas d’un véhicule thermique). Néanmoins, la masse des véhicules électriques étant supérieure à celles des véhicules thermiques, cela impacte la largeur des pneus et donc augmente les émissions de particules pneus / chaussée (qui représentent 61% des PHE PM10 pour un véhicule électrique, contre 47% pour un véhicule thermique) et celles remises en suspension (respectivement 36 et 28 % des PHE PM10). Ainsi, ces différentes composantes se compensent en valeur absolue, et les études récentes ne montrent donc pas d’écart significatif d’émissions totales de particules entre les véhicules électriques à forte autonomie et les véhicules thermiques neufs actuels qui n’émettent quasiment plus de particules à l’échappement1, 2. Cependant, il ne faut pas oublier que les véhicules thermiques émettent des oxydes d’azote et des composés organiques volatils qui peuvent contribuer, suivant les conditions atmosphériques, à la formation de particules secondaires, ce qui n’est pas le cas des véhicules électriques.

 

L’impact sanitaire et environnemental des particules émises hors échappement

La taille des particules émises hors échappement va de quelques nanomètres (ultrafines) à quelques micromètres (fines). Ces particules contiennent divers éléments métalliques (Fe, Cu, Zn, Al, Ba …) et soufrés en plus du carbone très largement majoritaire[5], [6].

Des études épidémiologiques montrent clairement que des effets néfastes sur la santé sont associés à la proximité du trafic, à l’intensité du trafic ou aux concentrations de polluants atmosphériques liés au trafic, mais il est pour le moment difficile de savoir dans quelle mesure les particules hors échappement contribuent à ces associations. Quelques études toxicologiques suggèrent que ces particules pourraient constituer un danger pour la santé notamment à cause de leurs teneurs en éléments métalliques comme le cuivre, le baryum, le zinc ou le fer[7].

Par ailleurs, d’un point de vue environnemental, les eaux de pluie ou de lavage lessivent les surfaces asphaltées en zones urbaines. Elles entraînent ainsi dans les réseaux d’assainissement de l’eau chargée de microparticules de caoutchouc et d’éléments métalliques, chlorés et soufrés provenant notamment de l’abrasion des freins, des pneumatiques et de la chaussée qui peuvent perturber les traitements utilisés dans les stations d’épuration. Cette pollution est ensuite piégée dans le sol lorsque les boues d’épuration sont utilisées comme fertilisants. En zones non imperméabilisées ou rurales, cette pollution, via les eaux de ruissellement, atteint les sols, les nappes phréatiques et les cours d’eau voire les océans où l’on retrouve des microparticules de pneus. Ainsi, 28 % des microparticules de plastique rejetées par an dans les océans proviendraient des pneus (du caoutchouc synthétique) ce qui en ferait la deuxième source après le lavage des textiles synthétiques[8]. Les effets à long terme sur les écosystèmes sont peu documentés et l’accumulation de cette pollution dans la chaîne alimentaire pose question.

 

Quelle évolution réglementaire pour les particules de frein et de pneu ?

Pour les particules de frein, la réglementation Euro 7 / VII (2025 – 2026) va très certainement inclure un volet sur les émissions de particules de frein avec une première étape en phase de test et contrôle puis une deuxième étape avec des seuils d’émissions à ne pas dépasser. Cependant dans un premier temps, elle ne devrait concerner que les véhicules légers. Quant aux particules de pneu, une réglementation est peu probable pour Euro 7 / VII (2025 – 2026) car des études sur la caractérisation et la distribution en taille de ces particules sont encore nécessaires.

Aller plus loin :

Note d’expertise de l’ADEME – Émissions des véhicules routiers, les particules hors échappement : https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/5384-emission-des-vehicules-routiers-les-particules-hors-echappement.html

 

 

[1] Timmers V.R.J.H., Achten P.A.J., Non exhaust PM emissions from electric vehicles, Atm. Env. 134, 10-17, 2016, https://doi.org/10.1016/j.atmosenv.2016.03.017
[2] OCDE, Non-exhaust Particulate Emissions from Road Transport : An Ignored Environmental Policy Challenge, Éditions OCDE, Paris, 2020, https://doi.org/10.1787/4a4dc6ca-en
[4] Air Quality Expert Group to Defra, UK, Non-exhaust emissions from road traffic, 2019 ; https://uk-air.defra.gov.uk/assets/documents/reports/cat09/1907101151_20190709_Non_Exhaust_Emissions_typeset_Final.pdf
[5] https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/605-projet-carepaf-caracterisation-des-emissions-de-particules-de-frein.html
[6] https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/3828-caracterisations-physico-chimiques-des-particules-emises-hors-echappement-par-les-vehicules-routiers.html
[7] COMEAP, Statement on the evidence for health effects with exposure to non-exhaust particulate matter from road transport, 2020
[8] Microplastiques primaires dans les océans, IUCN 2017
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