Cette nouvelle édition du Baromètre GreenFlex-ADEME de la Consommation Responsable confirme que les Français.es se responsabilisent et se perçoivent de plus en plus comme acteurs de la lutte contre le dérèglement climatique. A l’heure où le GIEC[1] affirme sans équivoque que l’origine de ce dérèglement est anthropique, cette responsabilisation citoyenne est salutaire.
Aujourd’hui, 7 Français sur 10 déclarent voir le lien entre leurs choix de consommation et l’avenir de la planète. Une même proportion considère qu’il est urgent d’agir pour la planète, notamment en faveur du climat et de la biodiversité, voire qu’il est déjà trop tard. Les signaux sembleraient donc au vert pour une évolution des comportements de consommation.
90% des Français.es trouvent que l’on vit dans une société qui nous pousse à acheter sans cesse, et 83% souhaiteraient vivre dans une société où la consommation prendrait moins de place. Malgré ces aspirations, les comportements responsables sont encore restreints par un certain nombre de freins, qu’ils soient économiques, culturels ou liés à la désirabilité du « consommer moins et mieux ».
Comment concilier ces injonctions pour ancrer les habitudes responsables dans le quotidien de chacun ? Aujourd’hui, peut-on véritablement s’engager sans renoncer à ses habitudes de consommation ?
DANS UN CONTEXTE ANXIOGÈNE, LES CONSOMMATEURS MARQUENT LEUR VOLONTÉ DE PASSER À L’ACTION
En 2021, la crise sanitaire et le confinement n’avaient pas déstabilisé l’engagement des Français.es. Aujourd’hui, et ce malgré un contexte économique incertain, ils sont de plus en plus nombreux à « changer certaines de leurs pratiques au quotidien ou à faire tout leur possible pour réduire l’impact de leur consommation » : 76% des répondant.es déclarent ainsi se mobiliser en faveur de la consommation responsable, contre 72% en 2021.
Toujours très critiques envers notre modèle de société centré sur la croissance (55% souhaitent sortir du mythe de la croissance infinie), les Français.es semblent prêt.es à s’orienter vers davantage de sobriété : 87% des consommateurs estiment que plutôt que d’innover à tout prix, il faudrait revenir à l’essentiel et au bon sens. Le baromètre met à nouveau en exergue à quel point le consommateur est soumis à des injonctions contradictoires, entre ses aspirations qui se renforcent et une société qui pousse toujours à accélérer et consommer.
LEVER LES FREINS POUR ANCRER LES COMPORTEMENTS RESPONSABLES
Malgré une prise de conscience générale et une progression constante du comportement des consommateurs, les freins à une mue sociétale restent bien réels. Force est de constater que l’accessibilité et la désirabilité de l’offre actuelle constituent des obstacles majeurs, et que la méfiance envers les entreprises est toujours d’actualité.
- LA CRAINTE DE DEVOIR RENONCER À DES PLAISIRS
Pour 1 Français.e sur 3, la crainte de devoir renoncer à des plaisirs est un frein à la consommation responsable. 79% des consommateur.rices attendent d’ailleurs des marques qu’elles proposent des produits équivalents à ceux qu’ils apprécient (en goût, texture, efficacité, …) mais plus responsables.
« Les consommateurs attendent des marques qu’elles leur offrent la possibilité de consommer mieux : des produits bios et équitables, moins emballés, des équipements qui durent plus longtemps… Mais à leur tour les consommateurs vont devoir faire des choix pour consommer moins : ceux pour qui la sobriété n’est pas subie vont devoir renoncer au superflu et réfléchir davantage à leurs achats », précise Laure Blondel, Directrice Conseil Marques, Produits et Consommation responsable chez GreenFlex.
Pour autant, certaines pratiques de consommation durable ne sont pas synonymes de renoncement, et peuvent même engendrer de la satisfaction. En effet, 71% des Français.es déclarent que réparer ou faire réparer des biens leur fait plaisir (vs 54% pour acheter des produits neufs). Il s’agirait dès lors d’un potentiel à exploiter pour un changement d’habitudes pérenne.
Pour Anaïs Rocci, sociologue à la Direction Exécutive Prospective et Recherche de l’ADEME : « S’adapter à ces nouvelles aspirations avec par exemple des modèles économiques innovants sera à la fois un défi et aussi une responsabilité pour les entreprises. »
- UN PRIX PERÇU COMME TROP ÉLEVÉ
L’édition 2022 du Baromètre GreenFlex-ADEME montre aussi que les principales préoccupations des Français.es se sont fortement recentrées sur le coût de la vie, qui se classe désormais troisième (parmi les 3 plus grosses préoccupations de 59% des répondants, soit un gain de 24 points par rapport à 2021), juste derrière la santé (65%) et le bien-être de la famille et des proches (61%). La consommation responsable est ainsi encore perçue comme trop onéreuse par toutes les populations, mêmes les plus engagées. Le prix constitue l’un des leviers principaux de la démocratisation d’une offre durable, a fortiori dans le contexte économique actuel.
- UNE OFFRE DURABLE QUI NE CONVAINC PAS, UNE ATTENTE DE PREUVES TANGIBLES
Seul 48% des consommateur.rices trouvent qu’il y a assez de choix de produits durables pour qu’ils trouvent ce dont ils ont besoin. Ils se montrent par ailleurs critiques vis-à-vis de l’offre durable existante : 68% estiment qu’avec les produits qu’elles proposent aujourd’hui, les entreprises et les marques ne les aident pas à consommer responsable.
Aussi, face à une société civile plus sensibilisée et avertie, un discours sincère et cohérent est attendu de la part des entreprises. Les Français.es éprouvent de la méfiance envers les marques qui communiquent sur leurs engagements en faveur de la planète et de la société : ils sont 84% à avoir besoin de preuves tangibles alors que seuls 16% (vs 20% en 2021) trouvent cela positif et y croient.
FAIRE DU RESPONSABLE, LE NOUVEAU STANDARD DE CONSOMMATION
La consommation responsable tend à se normaliser : 71% des répondant.es ne craignent pas d’être exclu.es d’un groupe (amis, famille) en changeant leur façon de consommer (végétarien, produits biologiques, moins de vêtements, etc.). Le poids de la norme sociale reste toutefois important chez les plus jeunes (18-34 ans), pour qui ce chiffre tombe à 57%.
Aussi, pour 61% des Français.es, voir les autres fournir des efforts en faveur d’une consommation responsable les motive à en faire. Cette affirmation est d’autant plus vraie chez les personnes déjà engagées (72%), preuve du cercle vertueux de l’engagement.
Le collectif pourrait dès lors impacter positivement le comportement des consommateurs réfractaires ou hésitants. Cette responsabilité d’embarquer les autres ne repose pas uniquement sur l’individu : la publicité et la culture, par les représentations qu’elles diffusent, peuvent jouer un rôle décisif dans la normalisation des gestes responsables. La nouvelle norme sociale sera motrice du changement, à condition toutefois qu’elle soit inclusive et accessible à chacun.
[1] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat