A l’occasion de la relance de la campagne de sensibilisation sur le numérique responsable[1], lancée par l’ADEME, le Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires, et face au développement du numérique qui a considérablement transformé l’accès des Français à la culture, l’ADEME présente ce jour son étude « évaluation de l’impact environnemental de la digitalisation des services culturels ». En l’espace d’une génération, les services culturels se sont largement digitalisés, passant de supports physiques comme le CD, le DVD ou le livre, à des versions numériques. En s’affranchissant du support physique, la consommation de biens culturels numériques a-t-elle pour autant un impact environnemental moindre ? Cette étude s’intéresse ainsi à évaluer par une analyse de cycle de vie multicritères quatre services culturels -lire un livre, écouter de la musique, regarder un film, et jouer à un jeu vidéo- entre leurs versions « physiques » et « numériques ».
« Nous pouvons, d’une part, profiter aujourd’hui quasi-instantanément d’une multitude de contenus médias, jeux, musiques, lectures que nous téléchargeons ou « streamons » sur nos smartphone, tablette ou écran et se passer d’une collection de supports physiques. D’autre part, ces services numériques nécessitent également des équipements – en grande partie invisibles pour l’utilisateur final – pour fonctionner. Il s’agit notamment d’équipements multi-usages qui nécessitent d’être connectés aux réseaux de télécommunication et Internet pour le transit continu des données vers les centres de stockage et de calcul.» Raphaël Guastavi, directeur adjoint de la direction Economie Circulaire de l’ADEME.
L’étude repose sur la méthode d’analyse de cycle de vie, qui permet de comparer un scénario d’utilisation d’un service numérique (ex : le streaming) avec son équivalent physique (ex : CD) :
De nombreuses analyses de sensibilité ont été réalisées pour évaluer l’impact de chaque scénario d’utilisation (nombre d’heure d’utilisation, type d’équipements utilisés…). |
L’impact environnemental des services culturels digitaux ou physiques : une question d’intensité d’usage
Cette étude ne permet pas de conclure de façon globale que les services culturels numériques sont meilleurs que leurs alternatives physiques. L’impact environnemental d’un service culturel, qu’il soit digital ou physique dépend en partie de l’intensité d’usage qui en sera fait.
Par exemple, si écouter de la musique avec un CD a un impact environnemental plus important (sur l’ensemble de son cycle de vie) en comparaison avec les formats digitaux, celui-ci va s’amoindrir à mesure des écoutes. Il s’agit en effet d’un support qui va avoir une durée de vie importante : on peut l’écouter de nouveau pendant des dizaines d’années, le prêter ou le vendre lorsqu’on s’en lasse. C’est également le cas pour un DVD, qui est toutefois globalement moins réutilisé que le CD. De manière générale, acheter un CD ou un DVD pour un seul visionnage n’est pas pertinent d’un point de vue environnemental.
Autre exemple : pour le service culturel « lire un livre », la lecture d’un roman de 300 pages format papier a, de prime abord, l’impact environnemental le plus faible sur l’ensemble des indicateurs pris en compte (ressources, émissions de CO2…). Toutefois, pour un usage de plus de 10 lectures par an, utiliser une liseuse numérique a des impacts sur le changement climatique plus faibles que de lire sur format papier (dans l’hypothèse où les livres papiers sont neufs et jamais réutilisés). Dans l’hypothèse où chaque livre est réutilisé au moins 2 fois, la liseuse n’a un impact environnemental moindre qu’au-delà de 20 lectures par an.
Ces résultats peuvent aussi s’exprimer sans faire d’hypothèse sur le nombre d’années d’utilisation de la liseuse : il faut atteindre 50 livres pour que chaque livre supplémentaire ait moins d’impact carbone que le format papier neuf, et davantage encore si l’on prend pour comparaison la lecture d’un livre d’occasion.
Les équipements, un rôle prépondérant dans l’impact environnemental des services culturels
A travers cette étude, l’ADEME révèle que la digitalisation des services culturels complexifie et multiplie les équipements nécessaires à ces nouveaux services. Ces équipements, qui nécessitent une large variété de matières premières et de métaux, génèrent des impacts non négligeables sur tous les indicateurs.
A titre d’exemple, pour l’ensemble des scénarios d’écoute de la musique en streaming, les équipements contribuent pour plus de 90% pour la majorité des impacts environnementaux, le reste étant lié à la transmission, au traitement et au stockage des données.
Même constat pour les services culturels « regarder un film » et « jouer à un jeu vidéo » : l’impact des équipements (TV, box TV et console pour le jeu vidéo) représente respectivement plus de 60% et 80% des impacts environnementaux du service.
Pour l’ensemble de ces services culturels, l’utilisation du streaming s’accompagne souvent d’une montée en gamme des équipements (TV et smartphone à écran plus grand et à haute résolution), notamment pour pouvoir fournir plus de fonctionnalité et une qualité de l’image la plus haute possible. En plus de l’impact lié au renouvellement précoce d’équipements, plus la taille de l’écran de ces équipements est importante, plus leurs impacts environnementaux sont élevés.
Alors que les principaux impacts environnementaux d’un service numérique sont liés aux équipements des utilisateurs du service et en particulier à la phase de fabrication, l’ADEME recommande de limiter le nombre d’équipements achetés pour un service et d’allonger au maximum leur durée de vie.
Les données, le streaming, des effets rebonds à limiter
La digitalisation accrue a fait exploser la consommation de services culturels audio et vidéo autrefois jugulée par les supports physiques : à titre d’exemple, le streaming vidéo captera bientôt 80 % du trafic web mondial. Aussi, du fait de ces possibilités plus variées, le temps d’écoute de musique et le visionnage de vidéos peut donc augmenter, ce qui contribue à augmenter la consommation de données transmises. De plus, écouter de la musique et regarder un film sur son smartphone via des données mobiles comme la 4G (usage très répandu), engendre des intensités énergétiques plus importantes qu’avec une connexion en réseau fixe via le wifi par exemple.
Côté film et musique, les impacts environnementaux peuvent considérablement être augmentés selon la résolution demandée. La disponibilité de résolutions de plus en plus élevées peut aussi inciter à l’acquisition d’équipements de plus en plus grands, et consommateurs d’énergie.
Pour réduire l’ensemble de ces impacts et effets rebonds, l’ADEME recommande de :
- télécharger les contenus en amont durant les heures creuses,
- d’éviter l’usage de vidéo en ligne lorsque c’est possible, notamment lorsqu’on écoute de la musique ou encore en désactivant l’autoplay sur les réseaux sociaux ou les plateformes de streaming.
- d’adapter la résolution de la vidéo visionnée à l’équipement pour limiter le poids de la vidéo qui est visionnée.
- de privilégier l’usage du wifi aux réseaux mobiles dont les infrastructures consomment plus d’électricité.
FOCUS « JOUER A UN JEU VIDEO EN CLOUD GAMING»
Jouer en cloud gaming[1] sur une console avec TV, combinant ainsi une forte consommation de données du cloud gaming et d’utilisation de plusieurs équipements à forts impacts ( TV et console), est de loin la pratique la plus impactante (vs jeu sur disque avec console et TV, jeu téléchargé avec ordinateur, jeu téléchargé avec console et TV…). A titre d’exemple, l’impact du cloud gaming sur le changement climatique croît entre 44% et 211% par rapport aux autres scenarios étudiés. Cependant, l’ADEME révèle un point de bascule dans son analyse : pour un jeu avec une taille importante (77Go), le cloud gaming peut s’avérer potentiellement moins impactant par heure de jeu qu’un jeu téléchargé, si le jeu n’est joué que quelques heures (en dessous de 6h). Pour un jeu plus léger (6 Go), le point de bascule se situe cette fois-ci à 1,5h de temps de jeu total. Les impacts environnementaux du cloud gaming dépendent principalement de deux facteurs : les équipements utilisateurs et la consommation importante de données qui augmentent les impacts liés aux réseaux et datacenters mobilisés pour le service. Les analyses montrent que ces impacts peuvent être largement réduits. D’une part, la console n’est plus nécessaire : l’utilisateur peut se contenter uniquement d’une TV et d’une box TV et ainsi réduire de presque de moitié les impacts environnementaux liés au jeu. D’autre part, jouer à des jeux plus légers en basse résolution peut permettre de réduire de près de 18% les impacts liés à la consommation de données pour les scénarios cloud gaming, qui est bien plus grande que pour le jeu en ligne. Cependant, même dans les scénarios les moins impactants pour le cloud gaming, c’est le scénario de jeu téléchargé sur ordinateur portable qui a l’impact environnemental le plus faible. |
Une campagne de sensibilisation pour un numérique plus responsable
Le numérique mobilise de nombreuses ressources, émet 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre et consomme environ 10% de l’électricité en France ! L’ADEME et le Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires relancent la campagne de sensibilisation en faveur d’un numérique plus responsable. Cette prise de parole, exclusivement digitale, s’adresse au grand public sous ses différentes facettes (citoyens, consommateurs…) avec la rediffusion de vidéos et bannières pour promouvoir les bons réflexes à adopter, en phases d’achat, d’utilisation et de fin de vie des appareils. Elle comprend également un volet ciblant les salariés avec notamment un kit dédié pour les inciter à réduire l’impact du numérique au travail ainsi qu’un volet destiné à mobiliser les entreprises et les collectivités. Un nouveau simulateur sur Longuevieauxobjets.gouv.fr Découvrez l’impact de vos usages numériques sur le climat et comparez leurs empreintes carbones sur https://longuevieauxobjets.gouv.fr/impact-co2-du-numerique Ce nouveau simulateur du site Impact CO2 peut librement être encapsulé (en iframe) sur tout type de site ou de contenu. Voir : https://impactco2.fr/integration ». |
[1] « Le numérique a un impact sur l’environnement. Adoptons les bons réflexes pour le réduire avec www.longuevieauxobjets.gouv.fr »
[2] Le cloud gaming est un type de service de jeu vidéo récent et encore peu répandu. Il consiste à déporter la puissance de calcul dans les datacenters, plutôt que chez l’utilisateur, permettant à l’utilisateur de se passer de console. Le joueur peut accéder via internet à une large sélection de jeux vidéo, sans avoir besoin de les télécharger préalablement.