Billet

RESTAURATION COLLECTIVE : QUELS COUTS POUR UNE ALIMENTATION PLUS ECOLOGIQUE ?

La restauration collective constitue un levier essentiel pour favoriser une alimentation plus durable au sein des territoires. Depuis janvier 2022, la loi EGAlim a engagé la restauration scolaire dans cette transition au travers de différentes otamment : au moins 50 % de produits durables ou de qualité dans les approvisionnements en denrées alimentaires dont au moins 20% de bio, la mise en place d’un repas végétarien hebdomadaire et la réduction forte du gaspillage alimentaire. Néanmoins, des craintes peuvent venir entraver la mise en œuvre de ces dispositions, comme des questions d’ordre économique[1]. Dans ce contexte, l’ADEME publie son étude « Coûts complets et recettes financières de la restauration scolaire : quelles marges de manœuvre pour la transition écologique ? ». A destination des collectivités locales, elle reconstitue les coûts d’un repas en restauration scolaire ainsi que les surcoûts et gains engendrés par la transition vers une alimentation plus écologique. Elle s’intéresse également à la capacité des collectivités à porter ces évolutions en fonction des moyens financiers de leurs usagers.

 

METHODOLOGIE

  • Les coûts comptables de la pause méridienne modélisés recouvrent les coûts d’achat des denrées et autres coûts de fabrication des repas, ainsi que les coûts de distribution et d’encadrement des élèves.
  • Au-delà de ces coûts comptables, la restauration scolaire génère des impacts socio-économiques et environnementaux dont une partie a pu être monétarisée et ainsi intégrée aux coûts complets (climat, traitement de l’eau et des déchets).
  • En complément, l’étude propose une modélisation des recettes financières des services de restauration scolaire afin d’objectiver la capacité des collectivités locales à en couvrir les coûts comptables en fonction des moyens financiers de leurs usagers, et de quantifier les risques de vulnérabilité alimentaire que les politiques de tarification peuvent faire peser sur les familles les plus modestes.

Cette étude est basée sur des données antérieures à la période d’inflation récente

 

Une alimentation plus écologique en restauration collective scolaire engendre une faible augmentation des coûts comptables

L’étude révèle tout d’abord que la mise en œuvre de la loi EGAlim se traduit par une augmentation de moins de 4% des coûts comptables de la restauration scolaire, certains leviers (réduction de 20% du gaspillage, mise en place du menu végétarien hebdomadaire) générant des économies permettant de compenser une partie des surcoûts liés à l’achat de produits de qualité ou durables. Si on active plus fortement les leviers de transition (50% de produits bio, 50% de réduction du gaspillage alimentaire, 2 repas végétariens par semaine), les coûts supplémentaires par rapport à la situation avant EGAlim restent également mesurés (moins de 5%). Par contre, le surcoût associé à une reterritorialisation des approvisionnements est significatif (15%) et s’explique par l’installation d’une légumerie pour transformer des produits bruts.

Si on regarde l’effet de la transition écologique sur le coût des externalités environnementales, les gains estimés compensent en grande partie la hausse des coûts comptables

Les 3 leviers de transition étudiés (produits bio, gaspillage alimentaire, repas végétariens) ont un impact sur les externalités environnementales et économiques de la restauration scolaire. Une partie de ces externalités a pu être monétarisée dans le cadre de l’étude, la moitié étant directement à la charge des collectivités (traitement de l’eau et des déchets organiques). Le coût de ces externalités a été évalué à 0,39 € dans la situation avant EGAlim (soit 4,5% du coût complet) et diminue de 18% avec la mise en place d’EGAlim.

Quand on adopte une vision en coûts complets, cette étude montre que le coût supplémentaire lié à la mise en œuvre d’EGAlim par les cantines est encore plus faible (3%). En outre, si on vise une réduction plus ambitieuse du gaspillage alimentaire conformément à l’objectif de la loi AGEC pour 2025 (réduction de 50% du gaspillage alimentaire au lieu des 20% considérés dans le scénario « EGalim » de cette étude), le surcoût est encore plus réduit, de lordre de 1,3%. Toutefois, le gain économique lié à la baisse des externalités environnementales négatives est difficile à identifier par les collectivités dans un bilan annuel, contrairement aux surcoûts d’approvisionnement.

Enfin, lorsqu’une collectivité va au-delà de la loi EGAlim, l’étude met en évidence qu’en activant les 3 leviers de transition simultanément et de manière ambitieuse (produits bio, gaspillage, repas végétariens), les coûts complets restent identiques à ceux du scénario EGALIM (3%) grâce à la réduction du coût des externalités environnementales. En revanche, le surcoût associé à une reterritorialisation des approvisionnements, nécessitant l’installation d’une légumerie pour transformer des produits bruts, reste significatif et non compensé par des externalités monétarisées, malgré les impacts positifs de ce scénario en termes de création d’emplois, de valorisation des métiers de l’équipe de restauration, de lien avec les filières locales…

À noter qu’un faible nombre d’externalités environnementales et socioéconomiques a pu être monétarisé dans le cadre de la présente étude en raison du manque de données ; cela peut laisser supposer que la compensation des surcoûts serait plus forte si on pouvait également prendre en compte les coûts de ces externalités non monétarisées dans l’étude (pollution de l’air, destruction de la biodiversité…).

Les restaurants scolaires sont inégaux pour enclencher leur transition vers une alimentation plus durable

L’étude démontre que tous les territoires n’ont pas la même capacité économique pour engager la transition écologique de leur restauration scolaire en raison des inégalités de richesse sur leur territoire. En effet, une partie des coûts des repas sont couverts par les usagers, et la mise en œuvre d’une tarification proportionnée à la capacité à payer des usagers met en évidence de forts écarts de recettes potentielles entre les territoires, dans un souci d’équité sociale. Ce constat soulève la question du soutien public dans certaines communes pour permettre d’impulser la transition écologique de la restauration sans accroître les risques de précarité pour les usagers en situation de fragilité financière.

Les prototypes d’outils développés en appui à cette étude pour réaliser les simulations de coûts et de recettes nécessitent encore un travail supplémentaire avant d’être opérationnels. Ils permettront à terme aux collectivités de faire leurs propres simulations ou scénarios de tarification en tenant compte du contexte économique, de la diversité des situations des restaurants scolaires et des enjeux sociaux.

En savoir plus

 


[1] Voir étude ADEME : « Freins et leviers à la mise en œuvre d’une restauration scolaire plus durable », 2022, https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/4556-freins-et-leviers-pour-une-restauration-collective-scolaire-plus-durable.html

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