La journée mondiale du recyclage, le 18 mars prochain, est l’opportunité de rappeler que la réduction de l’exploitation des ressources naturelles est toujours plus essentielle, tout comme la diminution de la production de matières par des procédés émetteurs de gaz à effet de serre. Pour s’inscrire dans ce cercle vertueux qu’est l’économie circulaire, le recyclage est indispensable, et il est également essentiel pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 fixé par l’Accord de Paris. Métaux, plastiques ou encore textiles : le recyclage, qu’il s’agisse de déchets industriels ou issus de la consommation des ménages, doit se généraliser. Pour objectiver cette dynamique, l’ADEME dévoile son Bilan national du recyclage, qui analyse sur les dix dernières années les principales évolutions pour 11 matériaux, des métaux ferreux aux plastiques, en passant par le textile. En complément, l’ADEME présente une étude inédite dédiée à la connaissance du recyclage des grands métaux en France. L’Agence y dresse un état des lieux du recyclage de l’acier, de l’aluminium et du cuivre en France et identifie des leviers d’action pour augmenter la quantité de matière première issue du recyclage dans l’Hexagone.
Des trajectoires de recyclage fortement impactées par le contexte international et les évolutions réglementaires
Cette nouvelle édition du Bilan national du recyclage, photographie l’évolution de 11 filières entre 2012 à 2021 : métaux ferreux, plusieurs métaux non-ferreux (aluminium, cuivre, zinc, plomb), les plastiques, les papiers et cartons, le verre, les inertes du BTP, le bois et les textiles.
Calculé par tonne de Matière Première de Recyclage (MPR) prête à être utilisée en France, le Bilan national du recyclage fournit pour chaque famille de matière : les flux aux différentes étapes du recyclage, les données socioéconomiques de la chaîne de valeur, les résultats environnementaux de chaque filière et les éléments de contexte. Ceux-ci étant essentiels pour saisir les freins actuels du recyclage.
Les évolutions des filières françaises du recyclage résultent souvent des fluctuations du marché européen et international
Le prix des matériaux vierges et de l’énergie ainsi que les décisions règlementaires d’autres pays sur les imports et exports de déchets, ont un impact direct sur les différentes étapes du recyclage en France. À titre d’exemples :
- En 2020, l’économie mondiale a été perturbée par la crise sanitaire. En France, les mesures de protection sanitaire se sont notamment matérialisées par des restrictions de déplacement et les fermetures administratives, qui ont eu différents impacts sur le marché du recyclage. Aussi, les quantités de déchets collectés en vue d’un recyclage (66 Millions de tonnes en 2020) et leur répartition par origine diffèrent des années précédentes du fait d’un repli de certains modes de consommation.
- L’année 2021 a été marquée par une reprise économique, avec une demande d’approvisionnement en matériaux forte de la part des industries – 53 millions de tonnes de matières premières de recyclage incorporées, et une hausse du prix des matériaux vierges et recyclés. Cette hausse a été globalement favorable au marché du recyclage, et les prix de vente de certains déchets ont atteint des niveaux historiquement élevés, au point de vider entièrement les stocks disponibles, pour les métaux ferreux notamment.
- Depuis 2018 et la fermeture des frontières de certains pays aux imports de déchets faiblement valorisables, une baisse continue des exports hors Europe pour l’ensemble des filières de recyclage est observée. Les échanges commerciaux de déchets se recentrent intra-Europe, et ont connu une baisse dans leur globalité. L’activité des centres de tri a pu être saturée et les utilisateurs de matières premières de recyclage ont pu se retrouver en situation de pénurie, les producteurs d’emballages par exemple.
Également, ces dernières années, des évolutions réglementaires au niveau français et européen visant à réduire les quantités de déchets, ont potentiellement eu un impact sur les quantités de déchets disponibles pour le recyclage. Pour les déchets qui sont malgré tout générés, le recyclage reste le mode de traitement à privilégier par rapport à la valorisation énergétique ou l’élimination. En effet, celui-ci contribue davantage à réduire la pression sur les ressources naturelles et participe à la décarbonation des secteurs industriels utilisateurs.
Dans ce cadre, des objectifs de recyclage par matériau ou catégorie de déchets ont été fixés par la réglementation européenne et française. Par exemple, depuis 2019 les plastiques à usage unique ont fait l’objet d’une réglementation européenne et française[1], soutenue dans un contexte de prise de conscience croissante de la pollution générée par les plastiques, en particulier dans les océans.
En France, une économie circulaire stimulée par un cadre législatif et par le plan de relance
La loi AGEC s’inscrit en cohérence avec ces dispositions tout en renforçant les ambitions. Elle prévoit notamment l’interdiction progressive des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040, l’élaboration d’une stratégie nationale pour leur réduction, réemploi et recyclage unique et l’élaboration de décrets pour définir les trajectoires de réduction des plastiques associées.
Pour soutenir la transition vers l’économie circulaire, renforcer et structurer les filières de recyclage, l’État a considérablement renforcé son dispositif de soutien. Dans le cadre du plan de relance, 500 millions d’euros ont été dédiés à l’économie circulaire sur la période 2020-2022. Également, des soutiens à l’innovation de France Relance 2030 ont été apportés au recyclage, et le fonds économie circulaire a quasiment doublé, passant à 300 millions d’euros en 2023 et 2024.
Zoom sur l’évolution du recyclage des PLASTIQUES en France entre 2012 et 2021
La collecte des déchets plastiques en vue du recyclage progresse, en France (+ 400 kilotonnes entre 2012 et 2021 soit 1,3 Millions de tonnes en 2021 et un taux de collecte de 25% en 2020) et en Europe. Malgré cette progression, le recyclage des plastiques en France est encore trop faible au regard des objectifs nationaux et européens, nécessitant une plus grande adhésion des trieurs, plus d’écoconception des produits, plus de capacités de recyclage de toutes les résines mises sur le marché. En France, les importations de déchets plastiques, notamment déchets de bouteille en vue de la préparation de la résine PET, augmentent légèrement depuis 2012, et les exportations diminuent du fait d’un durcissement des réglementations internationales. Les importations de déchets plastiques viennent compléter les déchets collectés en France pour sécuriser les gisements nécessaires aux industriels régénérateurs. Dans le même temps, le total de plastiques régénérés en France augmente et l’incorporation de plastiques recyclés progresse.
Zoom sur l’évolution du recyclage des TEXTILES en France entre 2012 et 2021
Les textiles d’habillement et de maison, en fin de vie, sont à déposer aux points de collecte pour être réemployés ou recyclés. Même tachés ou troués, ils peuvent être recyclés. La collecte de tous les déchets textiles sera obligatoire en 2025. Ceci concerne notamment les textiles professionnels et techniques. Pour la première fois, le BNR fait état de la filière de recyclage des textiles et permet de poser le chiffre de 110 000 tonnes de matières textile préparée pour incorporation en France, en 2021 – sur un gisement de déchets estimé à environ 800 000 tonnes par an, et une collecte de déchets textiles de 244 000 tonnes en 2021. Des progrès sont attendus pour recycler davantage de ces déchets grâce au développement de nouvelles technologies et débouchés.
Recyclage des métaux : étude du potentiel d’amélioration du recyclage des métaux en France
L’acier, l’aluminium et le cuivre, ainsi que leurs alliages sont au cœur des sociétés humaines : construction, transports ou encore câbles, ils sont également indispensables pour la transition énergétique avec la construction de véhicules électriques, le stockage d’énergie ou encore les réseaux d’électricité. Ainsi, il est anticipé que la demande de métaux de base – le cuivre et l’aluminium – augmentera respectivement de 1,0 % et de 1,4 % par an entre 2018 et 2030. Si la demande d’acier doit quant à elle rester stable à l’horizon 2030, les gisements totaux de déchets métalliques ne permettront pas de répondre à l’intégralité de la demande en métaux en 2030. Il sera essentiel de maximiser le taux d’incorporation de Matières Premières de Recyclages (MPR) en optimisant le recyclage de certains gisements. À date :
- S’agissant de l’acier: la filière sidérurgique électrique, principale filière consommatrice de ferrailles en France, représente 30% de la production d’acier en France en 2019 (4 378 kt d’acier produits à partir de 95% de ferrailles). L’acier y est élaboré dans un four à arc électrique, majoritairement à partir de ferrailles, pouvant accepter des teneurs plus élevées de contaminants. La filière sidérurgique intégrée (hauts fourneaux) représente 70% de la production d’acier en France en 2019 (10 022 kt d’acier produits à partir de 15% de ferrailles).
- S’agissant de l’aluminium: la filière de recyclage direct s’approvisionne en déchets de fabrication et en déchets post-consommation de composition homogènes (production de 290 kt d’aluminium, à partir de MPR et d’aluminium primaire). Cette filière est la principale consommatrice de MPR d’aluminium en France. La filière d’affinage produit des lingots d’aluminium de seconde fusion pour l’industrie automobile à partir de déchets pré-/post-consommation (production de 183 kt, à partir de 95 % de MPR).
- S’agissant du cuivre: la filière de recyclage par fusion fabrique des produits de première transformation et des produits semi-finis à partir de déchets à très faibles teneurs en résiduels (111 kt de cuivre recyclé). Il s’agit de l’unique modalité d’incorporation de MPR de cuivre en France. La filière d’affinage du cuivre produit des cathodes et des produits de première transformation en cuivre à partir de concentrés cuivreux et/ou des déchets de différents types. Cette filière est toutefois presque inexistante en France.
Aujourd’hui, la majorité des métaux issus des produits en fin de vie sont recyclés, notamment en raison de leur valeur importante en tant que matières premières de recyclage. Néanmoins, le recyclage des métaux en France n’est pas encore optimal. Les technologies actuelles de recyclage des matières premières conduisent souvent au recyclage en boucle ouverte[1] et la demande en MPR des filières métallurgiques françaises est nettement inférieure aux MPR disponibles. De plus, la préparation et l’incorporation des MPR ont parfois lieu à l’étranger.
La France est le principal exportateur net de MPR par comparaison avec l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et l’Italie. La France est l’exportateur net de 5 507 kt de MPR d’acier, de 342 kt de MPR d’aluminium et de 280 kt de MPR de cuivre en 2021, représentant respectivement 45%, 47% et 100% des MPR collectées en 2019. La France exporte les MPR directement vers des pays européens frontaliers ayant des tissus industriels plus favorables à l’incorporation de MPR et indirectement vers des pays tiers, où le consentement à payer est plus élevé pour tout type de qualités commerciales (MPR à teneurs élevées et faibles en résiduels).
Du fait des enjeux de décarbonation des acteurs métallurgiques – comme illustrés dans les plans de transition des filières Aluminium et Acier, qui les inciteront à incorporer des MPR, ainsi que du fait des enjeux de décarbonation de leurs filières aval, qui augmenteront la demande en métaux contenant des MPR, les gisements de déchets métalliques doivent de plus en plus être conservés en France en vue de leur réincorporation. Opportunité écologique et économique, l’amélioration des technologies de tri, et la dynamique de décarbonation des sites de production devraient permettre d’alimenter cette économie circulaire en vue de l’incorporation de nouveaux types de MPR répondant aux cahiers des charges des fabricants.
Zoom sur L’appel à projets ORMAT (Objectif Recyclage MATière) du Fonds Économie Circulaire de l’ADEME
Celui-ci soutient financièrement le surtri et la préparation de déchets en vue de leur recyclage, la production de matières premières de recyclage et leur incorporation dans les produits, l’augmentation des capacités de recyclage ainsi que le reconditionnement / remanufacturing de batteries. Les projets industriels français concernent 6 thématiques « matériaux » principales : plastiques, textiles, métaux dont les métaux de batteries, bois, papiers et cartons, verre et matériaux minéraux. L’ADEME apporte le soutien aux diagnostics, aux tests de performance, aux expérimentations et aux projets d’investissements.
La première édition d’ORMAT a été lancée en 2023 et l’appel à projets a été très plébiscité par les industriels : 243 projets déposés (dont 179 retenus), ce qui représente 36,87 M€ d’aide. Pour l’édition 2024 (premier relève), 50 projets ont été déjà déposés dont la plupart sont des projets d’investissement.
Aussi, le projet Galloo, lauréat, a reçu un financement pour un Investissement dans une ligne de surtri de métaux ferreux et non ferreux permettant une augmentation de recyclage de 30 000 tonnes/an à Halluin (59).
Aussi, après le broyeur automobile, actuellement en place chez Galloo, le fer est séparé par des aimants, mais ce fer contient des composants indésirables, comme des “induits”, intérieur d’un moteur électrique magnétique qui contient aussi beaucoup de cuivre. Aujourd’hui, ces induits sont triés sur un tapis de tri manuel. L’investissement dans un équipement de surtri permettrait d’améliorer le procédé existant en recyclant davantage de matières (ferreux et non ferreux).
Différents essais menés par Galloo en 2022 ont permis de concevoir une ligne de surtri qui sera mise en place au cours de ce projet. Cette ligne est composée de plusieurs équipements : 1. une machine de séparation magnéto-balistique ; 2. un deuxième aimant qui récupère du fer supplémentaire ; 3. un crible ; 4. un tapis de tri pour les induits, équipé de 2 robots.
Galloo France prévoit d’effectuer le surtri sur les flux déjà traités par l’entreprise et également sur 40 000 tonnes/an supplémentaires issus de nouveaux marchés, ce qui permettra d’augmenter le recyclage de 30 000 tonnes/an.
[1] Directive n°2019/904 « Single-use plastics Directive » (SUP)
[2] Le recyclage en boucle ouverte est une utilisation de la matière de recyclage pour une destination différente, mais en substitution d’une matière première vierge. Le recyclage en boucle ouverte constitue parfois un « downcycling » (ou « décyclage »), lorsqu’un déchet est transformé en un nouveau matériau ou produit de valeur moins importante (moindre pureté) que celui dont il est issu.