Les logements représentent près de 30% de l’énergie finale utilisée en France, soit 10% des émissions de gaz à effet de serre. Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, le rythme actuel de baisse de la consommation d’énergie et de décarbonation des logements doit fortement accélérer. D’après les modélisations réalisées par l’ADEME, le parc de logements devrait être constitué, en 2050, de 80 à 90% de logements classés A et B[1] du DPE, ce qui correspond à la définition officielle de « rénovation performante »[2]. Or en 2024, seulement 6% des logements français sont classés A et B. La rénovation performante des logements est donc indispensable. Celle-ci requiert une approche globale et, dans la grande majorité des cas, la réalisation de travaux d’ampleur, qu’il est possible de réaliser en quelques étapes, à condition de les planifier et orchestrer à l’avance. Dans son nouvel Avis d’expert publié ce jour, l’ADEME donne à voir les conditions de mise en œuvre et les opportunités économiques liées à la rénovation énergétique performante des logements.
Répondre à des enjeux environnementaux, à des enjeux de résilience et à des enjeux sociaux
La rénovation des logements[3] répond à des enjeux environnementaux et énergétiques : économies d’énergie, réduction des émissions de gaz à effet de serre ou encore préservation des ressources. Rendre les logements plus résilients face aux impacts du changement climatique est aussi essentiel pour préserver leur habitabilité. En effet, la rénovation énergétique répond aussi à des enjeux économiques et sociaux. L’exposition au froid, à une chaleur excessive ou une humidité trop importante, a des impacts sur la santé et la sociabilité des occupants. La rénovation de l’ensemble des passoires énergétiques d’ici 2028 permettrait d’ailleurs d’éviter des coûts de santé de près de 10 milliards d’euros par an[4].
Pour ces raisons, la rénovation énergétique doit être intégrée dans une vision globale : elle est l’opportunité de mutualiser les coûts.
Rénover pour plus de rentabilité carbone
L’impact carbone de la rénovation dépend de la nature et de l’importance des travaux réalisés, de la situation énergétique de départ, de la localisation géographique et des performances atteintes après travaux. Les connaissances actuelles permettent de conclure que dans la grande majorité des cas, la rénovation est rentable sur le plan du carbone. Effectivement, les gains carbone en exploitation générés par la rénovation sur 50 ans[1] sont plus importants que le carbone émis lors des travaux.
D’ailleurs, plus la rénovation énergétique est ambitieuse, plus le carbone total évité est important. Ainsi, le changement d’équipement de chauffage fossile à des équipements alimentés par des énergies renouvelables ou moins carbonées présente un bon retour sur investissement carbone. Mais comme un équipement de chauffage a une durée de vie plus courte qu’une isolation, il faut réengager régulièrement des dépenses carbone pour le renouveler. Ainsi, sur une durée de vie de 50 ans [5], le traitement de l’enveloppe du bâtiment est le geste le plus économe en carbone.
Définir une feuille de route complète : la clé de réussite pour une rénovation performante
Pour parvenir au niveau de performance requis, il est possible de réaliser les travaux en plusieurs étapes, mais l’ADEME conseille de se limiter à 3 étapes, planifiées et orchestrées dès le départ dans le cadre d’une feuille de route complète. Dans l’idéal, il s’agit d’isoler en priorité et, dans un second temps, de décarboner la production de chaleur. Ceci permet de réduire le besoin de chauffage et d’installer des équipements thermiques de moindre puissance. Ceci se répercute sur la facture énergétique et contribue à rendre les logements plus confortables et moins sensibles à la température extérieure.
Enfin, au sujet du bâti ancien et/ou patrimonial, il convient d’insister sur le fait que certaines catégories de bâti doivent faire l’objet d’une attention particulière. Représentant environ 11 millions de logements, soit un tiers du parc français, il est incontournable de rénover ces logements. L’enjeu principal les concernant est de garantir la pérennité du bâti et sa qualité architecturale, ce qui implique une formation adéquate des concepteurs et entreprises de travaux et l’utilisation de matériaux adaptés. Pour ces bâtiments, l’atteinte des classes A ou B peut être simplifiée en ayant recours massivement aux énergies renouvelables les plus performantes (solaire, géothermie) ainsi qu’aux réseaux de chaleur décarbonés. Dans ces cas, les investissements dans des énergies renouvelables doivent être étudiés au cas par cas, en gardant à l’esprit l’objectif de ne compenser que les défauts d’isolation et d’étanchéité à l’air intraitables pour des raisons techniques ou patrimoniales.
Zoom sur le Label BBC-Rénovation Le label BBC Effinergie rénovation concerne les projets de rénovation de bâtiments résidentiels et non-résidentiels, situés en France métropolitaine et pouvant être sous maîtrise d’ouvrage publique ou privée. Le label porte sur les éléments de l’étude thermique produite durant la phase de conception, sur les contrôles et mesures réalisés à l’issue du chantier. En 2022, 43 000 logements étaient engagés dans une démarche de rénovation BBC. Si elle est bien engagée chez les bailleurs sociaux, qui représentent 95% des rénovations BBC, la dynamique est encore embryonnaire sur l’habitat privé : seules 8 000 maisons individuelles et 12 411 logements en copropriétés ont obtenus le label. La rénovation performante représente un coût élevé, d’autant plus qu’elle n’entre pas dans la majorité des projets immobiliers des particuliers. Les travaux d’Effinergie ont permis d’estimer les prix d’une rénovation BBC, hors maîtrise d’œuvre et couts induits (remise aux normes électriques…), à 21 000 € hors taxe par logement en collectif, et 56 000 € en maison individuelle. Pour les ménages les plus modestes, le reste à charge est souvent dissuasif. Toutefois, les nouvelles modalités de MaPrimeRenov depuis le 1er janvier 2024 permettent d’envisager un reste à charge de 10% pour certains ménages. Il est nécessaire d’aller vers un reste à charge nul pour les ménages les plus précaires, ce qui peut être assuré par des taux d’aide élevés et des financements complémentaires. |
Consolider une offre de rénovation ambitieuse pour répondre aux futures demandes
Parce que l’immense majorité des logements de 2050 est déjà construite, il est nécessaire d’accélérer significativement la rénovation performante des logements. Pour cela, le développement du marché de la rénovation performante doit être prioritaire. Ce développement repose sur plusieurs actions clés :
- Le développement de la garantie de performance, avec la définition d’un modèle de contrat de rénovation garantissant un prix, un délai et un engagement sur la performance énergétique atteinte après travaux ;
- Le déploiement d’un accompagnement des ménages couvrant l’ensemble des dimensions du projet ;
- La poursuite des efforts de formation;
- Le renforcement du contrôle qualité des travaux notamment dans le cadre du dispositif RGE ;
- L’adaptation de l’offre de financement à la diversité des situations économiques des ménages.
I4CE (2022a) estime à 19,8 milliards d’euros en 2021 l’investissement dans la rénovation des logements, émanant à la fois des pouvoirs publics et des propriétaires eux-mêmes. Pour atteindre les rythmes de rénovation nécessaires, ces sommes devraient être réallouées à de la rénovation performante et doublées pour atteindre d’ici 2030 un niveau annuel entre 38,4 et 43,4 milliards d’euros, selon le scénario considéré, en euros constants.
D’un point de vue économique, le développement du marché de la rénovation performante est à la fois un défi et une opportunité. Le défi est double : d’une part, l’augmentation des volumes d’investissement, de l’autre, un recrutement d’ampleur dans les activités de rénovation. En termes de ressources humaines, à 2030, le besoin supplémentaire de main d’œuvre s’établit entre 170 000 et 250 000 Équivalents Temps Plein. Les besoins existent à tous les niveaux de la filière : le développement de ce marché constitue une opportunité majeure de relai de croissance pour les acteurs de la construction neuve.
Pour plus d’informations : https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/6933-avis-d-expert-sur-la-renovation-performante-des-logements.html
[1] Cette estimation inclut les logements neufs. Ces proportions sont différentes de celles publiées dans Transition(s) 2050, Choisir maintenant, Agir pour le climat, dans la mesure où la définition de la rénovation BBC a évolué depuis la publication du rapport. Les seuils minimaux des étiquettes A et B ont été revus à la baisse.
[2] À l’échelle du logement, une rénovation performante telle que définie dans le Code de la Construction, modifié par Loi Climat & Résilience de 2021, consiste à atteindre les seuils de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre A et B du DPE.
[3] Ce document ne traite pas des problématiques de sécurité et de structure des bâtiments qui doivent être un préalable avant toute rénovation énergétique.
[4] Source : CGDD, 2022.
[5] Durée de vie conventionnelle classiquement utilisée dans les calculs d’ACV dans le secteur du bâtiment.