A l’occasion de la COP 29, l’ADEME publie la 25e vague de son baromètre « Les représentations sociales du changement climatique des Français ». Présenté pour la première fois en 2000, ce baromètre constitue un outil essentiel pour comprendre l’opinion publique sur la transition écologique et les actions attendues. Cette nouvelle édition révèle l’adhésion particulièrement forte des Français pour davantage de mesures visant à limiter les conséquences du changement climatique. Cependant, l’ADEME observe cette année une légère démobilisation à l’échelle individuelle et une progression du climato-scepticisme.
Les Français attendent des actions fortes de la part de la puissance publique pour limiter les conséquences du changement climatique et s’y adapter… mais sont moins mobilisés à l’échelle individuelle
Tout d’abord, le baromètre révèle que pour 7 Français sur 10 (71%), la priorité économique du gouvernement devrait être de réorienter en profondeur l’économie Française en soutenant exclusivement les activités qui préservent l’environnement, plutôt que soutenir indistinctement tous les secteurs de l’économie, au risque de conséquences négatives sur l’environnement (28%).
Les Français se sont toujours montrés majoritairement favorables à une diversité de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les mesures règlementaires sont notamment les plus plébiscitées : « Interdire la publicité pour les produits ayant un fort impact environnemental », jugée souhaitable par 84% des Français (+4 points vs 2023), « Obliger les propriétaires à rénover et à isoler les logements », par 72% (+3pts), « Limiter la circulation des véhicules les plus polluants dans les grandes agglomérations », par 72% (+6pts), ou encore « Obliger la restauration collective publique à proposer une offre de menu végétarien, bio et/ou de saison », pour 68% d’entre eux (+5pts).
Dans le même temps, la proposition de taxer davantage les véhicules les plus émetteurs de GES gagne 7 points par rapport à 2023 avec désormais 63% des Français favorables ; l’augmentation des prix des produits à fort impact environnemental gagne 7 points également atteignant 60% d’avis favorables.
Alors que les transports représentent une part importante dans les émissions de gaz à effets de serre, 7 français sur 10 sont favorables à la taxation du transport aérien (+6 points par rapport à 2023 et +27 points en 20 ans).
Concernant l’augmentation de la taxe carbone sans condition, la proposition gagne 6 points, mais la mesure divise, à peine plus d’un Français sur deux (51%) la jugeant souhaitable. En y ajoutant des conditions et modalités sociales, notamment « que cela ne pénalise pas le pouvoir d’achat des ménages des classes moyennes et modestes, et que les recettes de la taxe soient utilisées pour financer des mesures de transition écologique, notamment sur les territoires », l’adhésion s’avère nettement plus franche (69%, +4 points sur un an).
Enfin, l’ADEME constate cette année une hausse de 8 points en faveur de la mesure qui suscite le plus de réticence de la part des Français, concernant la densification des villes et la limitation de l’habitat pavillonnaire (46%).
Les Français moins mobilisés à l’échelle individuelle ?
Les évolutions des pratiques déclarées par les Français témoignent d’une véritable inflexion des comportements sur le temps long. C’est par exemple le cas de :
• « Ne pas prendre l’avion pour ses loisirs » qui est passé de 36 % en 2018 à 49 % aujourd’hui (après un pic à 56% en 2023)
• « Consommer moins », qui s’élevait à 37 % en 2017, contre 53 % aujourd’hui (et 56% en 2023).
• « Se déplacer à pied ou à vélo plutôt qu’en voiture » qui est passé de 23% en 2008 à 39% cette année
• « Limiter la consommation de viande de son foyer » qui est passé de 41% en 2008 à 50% en 2024 (après un pic à 52% en 2023).
• « Baisser la température de son logement de 2 ou 3° l’hiver et/ou limiter la climatisation à 26° l’été » qui est passé de 54% en 2007 à 69% aujourd’hui.
Toutefois, la dynamique d’évolution des pratiques individuelles pour réduire l’impact des modes de vie est en baisse, laissant penser à un sentiment de lassitude et de démotivation quant à l’effort que les Français sont prêts à faire et leur capacité d’actions. Ainsi, en 2024 :
• « Acheter des légumes de saison » baisse de 6 points par rapport à 2023
• « Ne pas prendre l’avion » diminue de 7 points
• « Consommer moins » et « Privilégier des vêtements de seconde main » perdent respectivement 3 points
• « Trier ses déchets » perd 4 points
Dans le même temps, 64% des Français déclarent qu’ils pourraient faire plus d’efforts pour réduire leurs émissions de GES (+4pts), parmi lesquels 31% estiment faire leur maximum. 4% ne font aucun effort parce qu’ils ont le sentiment de ne pas pouvoir en faire, 3% ne souhaitant simplement pas faire d’effort.
Une capacité à s’investir fortement dépendante des ressources des ménages : là où « On s’en sort très difficilement avec les ressources du ménage », 44 % des répondants ont le sentiment de « faire leur maximum » et 29 % qu’ils « pourraient en faire plus », au contraire, quand « On s’en sort très facilement avec les ressources du ménage », les proportions sont inverses : 23 % estiment « Faire leur maximum » et 60 % qu’ils « pourraient en faire plus ».
Une baisse relative de la préoccupation, et davantage de scepticisme climatique
En parallèle de cette démobilisation individuelle, l’ADEME observe cette année une baisse relative de la préoccupation environnementale.
Lorsqu’il est demandé aux Français de classer l’importance de 12 sujets pour le pays, l’environnement figure toujours parmi les trois premiers, après la hausse des prix (26% des réponses) et l’immigration (15%), à égalité avec la sécurité et les déficits publics, la dette (9% chacun). Cependant, lorsqu’il s’agit de définir les trois priorités pour la France, l’environnement se retrouve en 6ème position (25% des réponses, -8 points par rapport à 2023).
Bien que les deux tiers des Français soient convaincus de l’impact des activités humaines sur le changement climatique, le scepticisme à ce sujet est en hausse : près de 30% des Français considèrent que les désordres climatiques et leurs conséquences, à l’image des canicules, des tempêtes, des sécheresses, des inondations plus fréquentes et sévères, la fonte des glaciers, ou encore l’élévation du niveau des mers…, sont des phénomènes naturels, comme il y en a toujours eu. Une augmentation de 7 points par rapport à 2023 et de 12 points depuis 2020. Désormais, cette proportion a doublé en plus de 20 ans, passant de 15% en 2001 à 29% en 2024. Cette hausse pourrait également traduire le fait que les désordres climatiques et leurs conséquences se sont désormais durablement installés dans l’actualité de la population.
Depuis le lancement du baromètre, environ un tiers des personnes interrogées restent sceptiques quant à l’unanimité de la communauté scientifique sur l’implication de l’effet de serre dans le réchauffement climatique. Cette stabilité interroge face au consensus scientifique croissant, notamment illustré par les rapports du GIEC. Elle est d’autant plus surprenante que plus d’un Français sur deux (52%, +7 points, un record) déclarent avoir déjà subi les conséquences du réchauffement climatique dans leur lieu de résidence. La proportion de répondants affirmant avoir subi – souvent ou parfois – les effets du changement climatique diminue à mesure que le revenu du foyer augmente : de 58% pour les foyers déclarant un revenu inférieur à 1000 €, à 42% pour ceux dont le revenu dépasse 2500 €.
« Cette montée progressive d’un mouvement de déni ou de refus des phénomènes climatiques et notamment de l’impact de l’activité humaine pourrait s’expliquer par le fait qu’ils étaient auparavant supposés lointains, dans le temps ou dans l’espace géographique, alors que les désordres climatiques et leurs conséquences font désormais partis du quotidien des Français et s’inscrivent dans une certaine forme de normalité. Ni les forts désordres climatiques qu’on observe et subit en France et à travers le monde, ni les nouveaux formats des médias sur ces sujets, ni les rapports du GIEC ne renforcent l’idée que l’effet de serre et les activités humaines en sont la cause. Tout se passe comme s’il y avait une sorte de sidération vis à vis de l’ampleur des désordres climatiques et qu’on en oubliait la cause réelle. Mais il faut rappeler que la très large majorité est convaincue du changement climatique et des causes anthropiques. », précise Anaïs Rocci, sociologue à l’ADEME.
Méthodologie
– Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1 505 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus, constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence.
– L’échantillon grand public a été interrogé par questionnaire auto-administré en ligne sur système CAWI (Computer Assisted Web Interview). Les interviews auprès du grand public ont été réalisées du 11 au 17 juillet 2024.